Retour sur les sensibilisations aux Violences Sexistes et Sexuelles de la FFE

En tant qu’arbitre, j’ai suivi la première des sessions de Sensibilisation aux Violences Sexistes et Sexuelles donnée par l’association Colosse aux pieds d’argile et organisée par la FFE. Il s’agit de sessions de deux heures. Chaque titulaire d’un diplôme de la FFE (en tant que formateur, formatrice ou arbitre) doit en suivre une.

La session que j’ai suivie était présentée par un intervenant de Colosse aux pieds d’argile ainsi que Jean-Baptiste Mullon, vice-président de la FFE. C’était en visio et je pense qu’il y avait une centaine de participants et participantes.

Déroulé de la sensibilisation
C’est vraiment une sensibilisation et non une formation : en deux heures, avec autant de monde, il n’y a pas moyen de vérifier ce que les participants et participantes en auront retenu. Il y avait néanmoins la possibilité de poser des questions à certains moments.

La sensibilisation commence par la diffusion d’une vidéo de présentation de Colosse aux pieds d’argile, avec notamment les faits subis par son président pendant son enfance. Suit une conférence avec diaporama avec des moments pour répondre aux questions.
C’est très complet pour les violences sexuelles sur les enfants, les détecter, écouter les enfants, les obligations légales pour prévenir les autorités, et même comment se prémunir de fausses accusations (ne pas mettre un enfant à l’avant quand on est seul-e en voiture avec lui, laisser la porte ouverte quand on donne un cours particulier…)


En revanche, sur le sexisme, il n’y a rien. C’est une sensibilisation sur les violences sexuelles dont sont victimes les enfants et adolescent-e-s, pas du tout au problème du sexisme ou à autre chose. L’intervenant a dit que ça concernait « toutes les violences » mais il n’y a rien concernant ce que peut vivre de lourd une joueuse dans un club. (Au passage, j’ai même remarqué que tout le diaporama était au masculin. L’intervenant a bien précisé qu’un agresseur pouvait être une femme aussi, mais le diaporama ne parle que « d’encadrant » au masculin). Je remarque même que l’intervenant utilisait l’expression « les violences » comme s’il parlait de toutes violences en général, alors que son exposé était quand même clairement sur les violences sexuelles sur des enfants, pas sur des violences physiques qui ne seraient pas sexuelles, ni sur du sexisme, ni sur des violences sexuelles sur adultes.

On a parlé de la vérification d’honorabilité. On doit, si on a un diplôme fédéral, demander soi-même à faire vérifier son honorabilité (cela ne vérifie pas que le casier judiciaire mais aussi les plaintes qu’il peut y avoir contre quelqu’un). Il n’y a encore eu personne dont l’honorabilité serait en défaut, selon Jean-Baptiste Mullon parce que quelqu’un qui sait qu’il y a des plaintes contre lui ne ferait cette demande. Les président-e-s de club peuvent et doivent aussi demander à vérifier l’honorabilité d’un-e encadrant-e, par exemple un parent qui s’occupe d’une équipe jeune.
Là, j’ai demandé ce qu’on pouvait faire quand un-e intervenant-e ou un-e encadrant-e n’avait pas de licence FFE. Il arrive parfois que des clubs aient des profs d’échecs, bénévoles ou non, qui n’ont pas de licence. Ça peut aussi être le cas d’un père ou d’une mère qui s’occupe d’une équipe jeune et va parfois les ramener en voiture (les voitures sont, selon l’intervenant de Colosse aux pieds d’argile, un lieu vraiment risqué car beaucoup d’agressions sur des jeunes s’y déroulent). J’ai eu la sensation, au vu des réponses, que personne à la FFE ne s’était posé la question. La même question a été posée à une des sessions suivantes, là il a été dit que les clubs avaient intérêt à licencier leurs bénévoles car sinon ils ne sont pas assurés pour leurs actions au club.

Une bonne sensibilisation à la question des violences sexuelles sur les enfants, rien sur le sexisme
Cette sensibilisation qui ne dure que deux heures est vraiment bien et complète sur le sujet des violences sexuelles sur les jeunes.
Par contre, ce n’est pas une sensibilisation aux violences sexistes. Ça ne va pas améliorer les rapports femmes / hommes aux échecs. Un des participants a parlé d’ailleurs de la phrase « tu joues bien pour une fille » pour savoir si c’était de la violence (il l’a sans doute lu sur le Facebook d’Échecs &Mixte, lors que nous avons publié les phrases sexistes entendues ordinairement). On lui a répondu que non, j’ai senti que pour l’intervenant, ce n’était pas du tout son sujet. 

J’ai peur que ces sensibilisations qui sont nécessaires permettent en même temps que certain-e-s puissent dire que les remarques sexistes, c’est rien. J’avais fait la même expérience avec le dossier paru dans L’Équipe il y a un an où des joueuses d’échecs dénonçaient le sexisme dans notre sport : un joueur que je connais, qui n’avait pas lu le dossier, me disait que celles qui y apparaissaient étaient des femmes courageuses qui se plaignaient de quelque chose de grave, alors que dans son club il y avait une fille qui pinaillait pour de petites remarques homophobes… En gros cette personne utilisait le dossier de L’équipe pour minimiser ce qui se passait dans son club.

Les questions qui se posent maintenant
Comment ces sensibilisations vont-elles continuer ? Il doit y en avoir de nouvelles en septembre (il n’y avait que quatre sessions pour ce printemps, la dernière étant le 8 juin, tout le monde n’a pas pu avoir de place) mais est-ce que ce sera pérennisé pour dans trois ans, huit ans, dix ans ? Est-ce qu’il y aura une mise à jour des informations ? Que se passera-t-il pour les prochains arbitres et formateurs / formatrices qui auront leur diplôme après cette vague de sensibilisations ? Et est-ce que ça peut être intégré à la formation initiale ? Enfin il faut vraiment savoir si la FFE peut proposer quelque chose pour vérifier l’honorabilité des encadrants et encadrantes qui n’ont pas de licence. Parce que plein de clubs ne peuvent pas s’en passer et c’est un problème potentiel.