Et maintenant,qu’est-ce qu’on fait ?

Gravure d'une boussole en noire et blanc, avec pour légende "Fig.21 - Boussole."

Au printemps dernier, les élections ont amené à la tête de la FFE une nouvelle équipe, celle de la liste menée par Éloi Relange, dont le programme est celui qui nous avait paru le plus sérieux et le plus développé concernant le secteur féminin. Nous félicitons bien sûr cette liste. Ce changement en a entrainé d’autres : plusieurs branches de la FFE ont renouvelé leur direction, la Direction Nationale des Échecs au Féminin (DNEF) a disparu, nous nous réjouissons de la création d’une « Commission Mixité », et enfin la commission Jeunes n’existe plus car les questions qui concernent les jeunes seront maintenant traitées « transversalement ». 

On ne s’en cachera pas, ces changements nous paraissent positifs, tant nous avons pu avoir le sentiment de ne pas avancer avec les personnes qui se trouvaient à la tête de la FFE ou de la DNEF par le passé : l’impression frustrante de faire du surplace, d’être ignoré, de devoir se placer en opposition alors qu’on voulait avant tout travailler de manière constructive. Rappelons par exemple l’affaire du plan de féminisation de la FFE : nous avons compris durant la campagne que ce plan était indispensable pour obtenir l’agrément sportif pour notre fédération… mais que sa réalisation l’était beaucoup moins… Ce pourquoi, alors qu’il avait été annoncé tambour battant, il n’a que très incomplètement été réalisé par l’équipe Kouatly.

Un sextant
Crédit photo : Rama, CC BY-SA 3.0 FR https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/fr/deed.en, via Wikimedia Commons

Une phase plus constructive ?

Nous espérons donc travailler de manière plus constructive avec la nouvelle équipe qui se trouve à la tête de la FFE. Certain-e-s membres d’É&M ont intégré des commissions fédérales. Il est assez normal qu’après des années à faire des propositions pas toujours entendues par notre fédération, il est temps pour elleux d’essayer concrètement et directement d’améliorer les choses.

Mais nous continueront, à Échecs & Mixte ! à nous exprimer sur ce site et à communiquer avec ceux qui dirigent la Fédération Française des Échecs pour faire des propositions, évaluer son action et, s’il le faut, dénoncer ce qui ne va pas[1]. Nous espérons néanmoins que nous entrons dans une phase plus constructive de notre action.

D’autres manières de militer

À Échecs & Mixte, nous devons aussi réfléchir à d’autres manières de militer. Nous allons par exemple essayer de mieux communiquer avec les Ligues pour voir les diverses manières d’arriver là à la mixité, notamment dans les championnats de Ligue Jeunes où les filles et les garçons joueront ensemble. Durant la campagne, Éloi Relange et son équipe avaient assuré qu’ils étaient pour la mixité aux championnats jeune, mais qu’il fallait d’abord, pour l’appliquer aux Championnats nationaux, que les Ligues décident elles-mêmes de l’appliquer dans les championnats régionaux. Sauf que ça simplifierait bien les choses que les championnats nationaux commencent par appliquer la mixité. Par exemple, actuellement, dans les ligues qui appliquent la mixité, on a des « doubles qualifiées », c’est à dire des compétitrices qui sont qualifiées à la fois en féminin et en mixte au terme du championnat régional. Il faut qu’elles fassent un choix, et ce choix peut être fait dans la semaine qui suit le championnat dans certaines ligues (ce qui arrive par exemple en IDF, où donc les filles et garçons moins bien classé-e-s attendent pour savoir si c’est une place en mixte ou en féminin qui va être libérée) ou, dans d’autres ligues, avant même de jouer, quand les joueuses ne sont pas encore conscientes de leur niveau. Cela crée des différences entre les Ligues pour la qualification des joueuses en mixte. 

C’est bien compliqué, non ? Alors que si les championnats de France Nationaux Jeunes étaient mixtes, chaque Ligue n’aurait qu’à envoyer un nombre déterminé de filles et de garçons, et il n’y aurait plus parmi les joueuses de « qualifiées mixte » et de « qualifiées féminines », juste des « qualifiées ». Filles et garçons joueraient ensemble avec à la fin un double classement, ce qui permettrait à certaines joueuses qui ont besoin de se sentir entourées de continuer à se retrouver « entre copines » aux championnats de France, et plus personne ne ferait pression sur les joueuses pour qu’elles aillent « chez les filles » parce qu’il y est plus facile de gagner des coupes, mais où leur résultats risquent de s’étioler dans un championnat moins sportif. 

Au XII siècle, on se représentait le monde comme sur cette carte établie par le géographe Al Idrissi. À Échecs & Mixte ! on espère qu’un jour la séparation entre filles et garçons dans les championnats jeunes ne sera plus, tout comme cette carte, qu’un témoignage du passé.

Voilà les perspectives vers lesquelles nous allons, perspectives dont nous pourrons discuter avec nos membres lors de notre prochaine Assemblée Générale. Nous serons par ailleurs toujours heureu-x-ses d’apporter notre expertise à tous ceux qui s’intéressent  aux femmes dans le domaine des échecs et de recueillir les témoignages de celles qui veulent nous faire partager leur expérience dans ce domaine.


[1] Nous pouvons en profiter, au passage, pour remarquer que l’équipe d’arbitrage pour le championnats de France Jeunes en octobre à Agen ne compte toujours que 30% de femmes arbitres. Même si la situation est assez compliquée pour cette édition, on peut peut-être se dire qu’il faut qu’à l’avenir la FFE et la DNA trouvent enfin des solutions pour arriver à des équipes mixtes.

Dossier : Élections au comité directeur de la FFE, ce qu’on nous propose pour le secteur féminin

Nous avons lu les programmes des trois listes aux prochaines élections de la FFE, nous leur avons écrit, nous avons lu leurs réponses et nous avons aussi dialogué directement avec les candidats lorsque c’était possible.

Nous mettons sur cette page les liens utiles pour ces élections qui auront lieu le 3 avril, ainsi que les liens vers nos textes sur les programmes des trois listes.

Voici donc nos analyses des propositions des candidats :


Cette page sera mise à jour régulièrement pour y ajouter les nouvelles analyses que nous publierons, et éventuellement des liens utiles.



Les trois listes en présence sont, dans l’ordre alphabétique :

  • La liste Ouverture, menée par Éloi Relange. Son programme pour le secteur féminin est en lien sur cette page et sa réponse à notre lettre aux candidats sur celle-ci.
  • La liste Unité, menée par Joël Gautier. Son programme pour le secteur féminin est indiqué dans la page Promotion fédérale de son site. L’échange que nous avons eu avec Sophie Milliet, en deuxième position sur cette liste, est sur cette page du nôtre.
  • Le programme de la liste Un temps d’avance, menée par le président sortant de la FFE, Bachar Kouatly, est lisible ici. Nous n’avons pas reçu de réponse suffisamment détaillée à notre lettre pour qu’elle mérite d’être publiée.

Un dossier préparé par Sonia Bogdanovsky avec l’aide d’Isabelle Billard, Sophie Lasne et Aude Soubrier.

Elections 2021 : propositions des listes pour féminiser les clubs

La FFE compte moins de 20% de licenciées. Il faut que ce taux augmente. D’une part parce que gagner des adhésions féminines, c’est gagner des licences : la marge de progression des adhésions féminines est réelle, comme l’a montré l’engouement autour de la série Le Jeu de la Dame. Pour que cet intérêt ne soit pas qu’un feu de paille, il faut que les joueuses se sentent bien en club. Dans un milieu à 80% masculin, certains hommes peuvent se permettre des blagues lourdes, des attitudes désagréables, ou tout simplement mal considérer les joueuses et leur donner envie de fuir clubs et tournois. Un meilleur taux de féminisation permettrait sans doute de réduire ces problèmes. Voici notre analyse de ce que proposent les candidats à la présidence de la FFE pour cela.

Le plan de féminisation
Vous souvenez-vous  du plan de féminisation de la FFE de 2019 ? Il nous avait enthousiasmé-e-s (lire ici et ) avant que nous soyons très énervé-e-s par le non-respect de sa promesse d’atteindre la parité dans les équipes d’arbitrage aux championnats de France. Si Laurent Freyd a finalement rempli cet engagement pour les championnats de France 2020 (annulés depuis) d’autres promesses n’ont pas été tenues par l’équipe actuellement en place : qu’a-t-on fait pour « éradiquer les attitudes sexistes » ? Le séminaire « exposant la réalité de la vie de président.e de club » a-t-il eu lieu ? Y a-t-il plus de formatrices et d’arbitres femmes ? La FFE devait par exemple « créer une politique tarifaire favorisante lorsque les stages d’arbitrage sont mixtes », pourquoi cela n’a-t-il  pas été fait ? (Rappelons que le plan de féminisation date du printemps 2019, soit un peu moins d’un an avant le premier confinement, il y avait largement le temps d’adapter la politique tarifaire pour les stages qui ont eu lieu après.)

Globalement, ce plan enthousiasmant a donc très imparfaitement été mis en oeuvre et est un échec pour ce qui est des objectifs chiffrés. Que va-t-il devenir avec les listes actuellement candidates à l’élection du mois prochain ?

On constate que l’équipe en place, qui porte la liste Un temps d’avance, est fière d’intégrer ce plan dans son bilan. Durant la soirée de présentation de sa liste où il parlait « féminisation », Bachar Koutly a répété plusieurs fois « nous avons fait le plan de féminisation ». Pourquoi se vanter d’avoir fait un plan que l’on a si peu appliqué ? Tout simplement parce qu’un plan de féminisation est une obligation du code du sport qu’il fallait remplir pour garder l’agrément du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Il était nécessaire d’avoir un plan, sa réalisation était secondaire. 
On est alors en droit de douter de la réalisation des nouvelles promesses de féminisation de la liste Un temps d’avance, surtout qu’elles ne sont pas accompagnées des moyens de leur mise en œuvre. Cette liste nous promet par exemple de nouveau de féminiser le corps arbitral, mais ne nous dit pas comment il compte faire. Tout comme elle vise 25% de licenciées à l’horizon 2024, sans vraiment s’en donner les moyens. La liste recycle aussi des promesses du plan de féminisation qui n’ont pu être appliquées pour cause de crise sanitaire : le programme « parraine ta copine » qu’on nous promet en juin prochain était par exemple déjà prévu pour mars 2020.

De la part d’Ouverture, nous avons eu des réponses très détaillées sur tous les aspects du plan de féminisation. Cette liste compte par exemple garder le label club féminin en le faisant évoluer vers un label mixité, et propose également que  la semaine des échecs au féminin devienne plus axée sur la mixité. Cela nous semble intéressant car nous avions été choqué.e.s de l’aspect « Maman va au salon de thé » du label club féminin.

Du côté d’Unité nous n’avons pas eu de réponse directe sur le plan de féminisation, mais uniquement sur certains aspects que nous allons détailler ci-après.

Que proposent les listes pour recruter plus de licenciées et faire en sorte qu’elles restent dans les clubs ?

Dans la vie des clubs : À Un temps d’avance, on compte « créer un dossier thématique sur « Comment développer les Échecs au féminin » : plan de communication, guide d’accueil, mécénat, parrainage, etc. » tandis que chez Unité on veut « sensibiliser et soutenir les clubs en leur fournissant des supports pédagogiques pour la rédaction d’un plan de féminisation qui a pu réussir dans d’autres clubs ». Cela nous semble une bonne idée, à  condition  de  mettre  les  moyens  de  le  faire sérieusement. C’est à dire commencer d’abord par un travail approfondi d’étude et de récolte des différentes pratiques des clubs sur ce sujet, puis d’évaluation de ces pratiques. 
Comme pour le plan de féminisation de la FFE, rappelons qu’un plan c’est très bien, mais qu’il ne sert à rien s’il n’est pas mis en œuvre. Il faudra donc, si ces listes arrivent à la tête de la Fédération, qu’elles sachent motiver les clubs, notamment en leur rappelant que les nouvelles joueuses ne seront pas seulement « des féminines », cet animal étrange qu’on croise parfois, mais des membres à part entière d’un club, et qui sont là pour participer à son présent et à son avenir.

Chez Ouverture, on propose d’aider les clubs grâce à la mise en place d’une plateforme « pour mieux  comprendre les subventions possibles pour le développement de la pratique sportive féminine, et en bénéficier ». Il est clair qu’il est important de faire comprendre à certains clubs que les joueuses sont aussi un moyen d’avoir des subventions, ce qui signifie qu’elles ne sont ni une charge ni une obligation mais bien une chance pour eux.

Du réseau et des formation pour que les femmes accèdent à des fonctions de dirigeantes : Un temps d’avance propose d’étendre Le Club des dirigeantes « à l’ensemble des dirigeantes de France (clubs, CDJE, ligues, commissions). » Mais qu’est-ce donc que le club des dirigeantes ? Il s’agit d’un réseau qui a été créé en novembre dernier et qui, pour l’instant, ne regroupe que les directrices régionales des échecs au féminin et des membres de la Direction Nationale des Échecs au féminin. C’est surement très bien que ces directrices puissent échanger leurs expériences, même si on peut au passage se demander pourquoi les responsables des échecs au féminin devraient toujours être des femmes (tout comme les autres postes régionaux n’ont rien de spécifiquement masculin). Ce club serait donc étendu à toutes les femmes qui ont des responsabilités en tant que dirigeantes club, de comité départemental, de ligues ou de commission. 
C’est un sujet sur lequel nous sommes partagé-e-s à Échecs et Mixte. Ne s’agirait-il que d’une usine à gaz sans intérêt ? Est-ce uniquement de l’entre-soi ? À quoi ça cela servira-t-il ? Cela peut-il aider les présidentes de club d’échanger sur des problèmes qu’elles vivent, de se rendre compte par exemple que certaines attitudes machistes qu’elles constatent n’existent pas que dans leur propre club, pour trouver ensemble comment les contrer ? Ce qui est certain est qu’un tel club de dirigeantes ne peut fonctionner que s’il se réunit régulièrement, notamment en présentiel, qu’il est animé par des personnes conscientes des problèmes réels, et qu’il n’est pas qu’une noix creuse qu’on annonce sur le site FFE puis qu’on oublie.

Dans les propositions de la liste Ouverture, on trouve aussi un club des 100 dirigeantes, mais cette fois non-réservé à celles qui dirigent déjà. Il s’agit plus, quand on regarde dans le détail, d’une formation à l’usage des présidentes ou futures présidentes de club, aussi bien pour apprendre à s’affirmer qu’à gérer un club. Cette proposition semble très intéressante, elle demandera un véritable engagement de la part de la FFE, elle n’est pas simple à mettre en œuvre, mais elle peut donner des résultats très positifs.

Des formations contre le sexisme : le plan de féminisation présenté au printemps 2019 annonçait la « création d’un module de formation pour sensibiliser les initiateurs et formateurs », avec notamment la « mise en place d’une formation à la gestion du jeune public féminin en direction des dirigeants et des éducateurs (accueil des femmes) incluant une campagne visant à repérer et éradiquer les attitudes sexistes (déconstruction des stéréotypes sexués des encadrants, agressions verbales, etc.). » On peut douter que cela ait été réalisé quand on constate que les descriptifs des stages de formation pour les initiateurs (DIFFE) et les animateurs (DAFFE) datent tous de novembre 2014 et ne mentionnent nullement une quelconque lutte contre le sexisme. Un temps d’avance, liste menée par l’équipe en place – si fière d’avoir rédigé ce plan – ne parle d’ailleurs pas dans son programme de violences sexistes ou de stéréotype de genre. Il traite de la lutte contre « toutes les formes de violence » mais quand on regarde dans le détail on voit que cela concerne surtout les violences contre les enfants et la pédophilie. C’est totalement nécessaire, mais nous nous inquiètons que les violences envers les femmes, notamment verbales, les stéréotypes de genre (combien de fois a-t-on entendu « c’est des histoires de nanas » à propos d’un problème entre deux joueuses ?) ne fassent pas l’objet de formation pour savoir les repérer et les contrer. 

Les deux autres listes proposent au contraire de travailler sur ce sujet précis. Ouverture propose un programme détaillé qui va de la sensibilisation des diplomé-e-s de la FFE (sans doute les formateurs-trices et les arbitres) à la lutte contre les stéréotypes de genre, en passant par la promotion de la mixité notamment en créant des « référents mixité » pour chaque ligue, et par la sensibilisation et l’échange d’expériences lors des championnats de France Jeunes. Du côté d’Unité, on prévoit de « former les présidents et les animateurs aux questions d’égalité et de respect dans l’enseignement du jeu d’échecs pour faire cesser certains comportements misogynes. » C’est aussi positif, mais nous nous demandons comment inciter les présidents de clubs à suivre des formations, alors que leur charge est déjà lourde. S’il s’agit de formations optionnelles, on peut douter que ceux qui les suivront soient ceux qui en ont le plus besoin, car personne ne se sent jamais sexiste. Nous aimerions aussi savoir qui donnera ces formations : la FFE elle-même ? Un partenaire externe ? Ouverture a pris pour partenaire Egal’Sport, un collectif spécialisé dans l’égalité femmes / hommes dans le sport ; nous espérons que si Unité est la liste majoritaire, elle s’inspirera de cette idée pour travailler avec ceux qui ont de l’expérience dans le domaine des formations contre le sexisme. Nous sommes dans tous les cas heureuses et heureux que ces deux listes fassent figurer cette question dans leur programme car la question du sexisme dans les clubs ou en tournoi est extrêmement importante pour le bien-être des joueuses et des joueurs.

Des mesures pour fidéliser les jeunes : nous avons remarqué dans les programmes deux mesures pour garder les adolescent-e-s en club lorsqu’ils et elles grandissent. Ce ne sont pas des mesures spécifiques en faveur des jeunes filles, mais comme nous savons que la désaffection des joueuses est particulièrement forte à cet âge, il est intéressant de les noter. Un temps d’avance propose en effet de responsabiliser les jeunes à l’adolescence pour leur donner envie de rester au club, aussi bien en leur faisant faire de l’arbitrage qu’en leur donnant des responsabilité associatives. Du côté d’Unité, on souhaite motiver les jeunes joueurs avec un système d’objectif par paliers (par exemple viser à se qualifier aux championnats de France, puis à être dans les 10 premiers, puis… etc.) Pourquoi pas ? Nous ne savons pas si ça marchera, mais c’est sans doute à tenter. On peut en tout cas se réjouir que ces listes recherchent des solutions pour cette classe d’âge.

Smart Girls : sur le programme Smart Girls, tout le monde est d’accord. Rien ne fait autant l’unanimité entre les listes. Si Unité compte y ajouter des masterclass de grandes joueuses ou si Ouverture compte y créer des équipes et y récompenser des jeunes joueuses, les trois listes souhaitent le poursuivre. À se demander pourquoi on n’a pas l’idée de nouveaux programmes de ce type, où on enverrait les clubs chercher de nouvelles adhérentes. (On rappelle au passage que pour que ces nouvelles adhérentes restent, il faut, comme toujours, que les clubs sachent leur en donner envie). On peut juste regretter que la gratuité de la licence la première année pour les participantes à Smart Girls ait été abandonnée et que personne n’envisage d’y revenir.

Voici donc notre analyse des propositions des trois listes sur la féminisation en clubs. Globalement, la liste Un temps d’avance nous semble proposer peu de réelles nouveautés, recyclant surtout les propositions précédentes du plan de féminisation. Unité a des propositions intéressantes, mais on sent surtout une vraie réflexion sur la mixité et le travail pour sortir des stéréotypes de genre de la part d’Ouverture.

Pour revenir au sommaire de notre dossier sur les élections de 2021 au Comité Directeur de la FFE, il suffit de cliquer ici.

Lettre aux candidats au Comité Directeur de la FFE

Le 13 janvier 2021,

Nous avons écrit aux candidats au Comité Directeur de la FFE (la liste menée par Bachar Kouatly, la liste «  Unité  » menée par Joël Gautier et la liste « Ouverture  » d’Éloi Relange) pour connaître leurs propositions pour le secteur féminin et leur donner les nôtres. Nous publierons leurs réponses lorsqu’elles qu’elles nous arriveront.

Chers candidats au Comité Directeur de la FFE,

Je vous écris en tant que présidente de l’association Échecs et Mixte ! Maintenant qu’après un loooooong feuilleton l’élection au Comité Directeur de la FFE semble définitivement fixée au 3 avril 2021, notre association aimerait connaître vos programmes respectifs en ce qui concerne le secteur féminin. J’imagine qu’après les différents reports de date, les listes menées par Bachar Kouatly et Éloi Relange ont pu élaborer un programme, celle de Joël Gautier sans doute aussi, mais, à l’heure où j’écris, je ne trouve sur aucun de vos sites internet (quand ils existent) vos projets pour ce secteur.  

Quels sont vos projets pour le secteur féminin ?

Je ne doute pas que la féminisation des échecs vous tient à cœur  : les effectifs de la FFE ont besoin de se féminiser, cela afin que plus de femmes puissent découvrir le monde des échecs, que les joueuses puissent se sentir bien dans cette fédération, et qu’elles puissent développer au mieux leurs capacités. À Échecs et Mixte  ! nous sommes persuadé-e-s que vous voulez tous que les échecs cessent d’être un bastion masculin pour devenir un univers mixte où les femmes et les hommes seront à l’aise. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de connaître vos projets concrets pour ce secteur, et même  – pourquoi pas  ? – de lire des engagements chiffrés. Nous aimerions aussi savoir ce que vous comptez faire des projets qui existent déjà, et nous vous proposons aussi des mesures qui, nous le pensons, peuvent améliorer la mixité de notre sport. 

Comptez-vous appliquer le plan de féminisation actuel de la FFE ?

J’utilise à dessein l’expression «  secteur féminin  ». En effet, autant je suis contre le ridicule substantif «  féminine  » qui doit tout simplement être remplacé par «  joueuse  »  ; autant je n’utiliserais pas l’expression  «  secteur des joueuses  ». Car les femmes, dans le monde des échecs, ne sont pas que des joueuses, mais aussi des présidentes de club, des entraineures, des animatrices, des arbitres… Et toutes ces fonctions, quand on est une femme dans un milieu d’homme, peuvent être plus compliquées. C’est pourquoi, à Échecs et Mixte !, le plan de féminisation de la FFE nous avait enthousiasmé-e-s en 2019 avant que nous soyons extrêmement déçu-e-s de voir qu’il n’était pas appliqué (aucune trace d’un séminaire ou de récompenses pour les présidentes de club, parité à retardement pour l’arbitrage des grands événements obtenue seulement pour les championnats jeunes 2020 et pas appliquée sur les événements en ligne durant les confinements…) Que vous soyez sur une liste ou une autre, que comptez-vous garder et appliquer de ce plan de féminisation  ?

Nous avons des propositions, les voici :

Concernant la règle dite «  de la féminine obligatoire en Nationale  », nous avons depuis 2015 une proposition alternative qui est un quota de joueuses sur l’ensemble des parties jouées sur une saison en National-Régional-Départemental. Concrètement, cela revient à compter le nombre de parties jouées par un club dans ces divisions (Nombre d’échiquiers x nombre de matchs = nombre de parties) et à appliquer un coefficient pour qu’un pourcentage minimum de joueuses joue ces parties, à leur niveau.  

Par exemple  : un club a une équipe en Nationale III (8 rondes x 8 joueurs = 64 parties) et une autre en Régional (6 rondes x 5 joueurs = 30 parties). Cela fait donc 64 + 30 = 94 parties. Si on demande à ce que, au minimum, 12,5% des 94 parties soient assurées par des joueuses (soit 1/8e), cela fait 12 parties à leur faire jouer. Ce qui pourrait être réalisé avec deux joueuses sur toute la saison en Régional et aucune en NIII, ou une en NIII sur les huit parties et une en Régional sur quatre parties, ou toute autre répartition qui assure que 12 parties au moins seront jouées par des femmes sur la saison… Le pourcentage de joueuses peut être adaptés au nombre d’inscrits dans un club.

Afin que chaque club sache où il en est au cours de la saison, un outil pourra comptabilisersur le site de la FFE, dans l’espace club, toutes les parties jouées avec un code «  F  ». Et ceux qui ne respecteront pas cette obligation pourront être pénalisés les saisons suivantes. Cela permettra de faire jouer les femmes à leur niveau, et évitera de leur demander de venir pour rendre service plutôt que pour leur plaisir. Elles ne seront plus là pour «  éviter le -1  », mais elles pourraient être joueuses à part entière, et notamment exercer plus souvent le capitanat d’une équipe (comment voulez-vous être capitaine quand vous êtes le «  bouche-trou  » d’une équipe de NII où tous les joueurs ont 300 points de plus que vous  ?) Nous souhaitons connaître votre avis sur cette proposition, et savoir si vous comptez la mettre en œuvre car elle nous semble particulièrement importante pour l’accès à la compétition de nouvelles joueuses. 

Nous ne sommes cependant pas opposé-e-s à garder l’obligation d’avoir une joueuse par équipe en top12, si une commission du haut niveau féminin – en concertation avec l’élite féminine – estime que c’est une mesure adéquate pour favoriser tant leur progression sportive que leur situation économique. À ce propos, que comptez-vous faire pour sécuriser l’entrainement des joueuses de haut niveau les plus fortes ou les plus prometteuses  ? Certaines joueuses de haut niveau vont souvent choisir de jouer le National Féminin aux championnats de France pour des raisons financières, parce qu’elles sont invitées par la FFE, alors qu’elles préféreraient peut-être jouer l’Accession, un tournoi plus compétitif, avec des adversaires qu’elles connaissent moins, et qui peut leur ouvrir les portes du National Mixte. Est-ce qu’il y aurait la possibilité de transformer une partie des prix du National féminin en une allocation qui permettrait de laisser le choix aux joueuses du tournoi qu’elles désirent vraiment jouer l’année suivante ? Ou d’inviter quelques joueuses à jouer l’Accession, dans les mêmes conditions que le National féminin ? 

Par ailleurs, les joueuses de haut niveau ne doivent pas être cantonnées aux tournois féminins lorsqu’elles veulent tenter de faire des normes. Les tournois fermés, où joueurs et joueuses peuvent réaliser des normes de MI, GMI… pourraient avoir une aide de la FFE à condition d’avoir comme participantes une ou plusieurs joueuses françaises. 
Qu’en pensez-vous  ?

Que comptez-vous faire pour aider les joueuses qui sont étudiantes à continuer à s’entrainer  ? Beaucoup de joueurs et encore plus de joueuses abandonnent les échecs au moment de débuter leurs études. Certaines écoles et universités permettent pourtant à ceux et celles qui sont sportifs de haut niveau d’aménager leur emploi du temps dans ces années qui comptent tant dans la carrière d’un sportif. Pourrait-on avoir une liste de ces établissements  ? Comptez-vous promouvoir les partenariats avec eux  ?  

Enfin, vous le savez, Échecs et Mixte ! a toujours soutenu l’idée de faire jouer filles et garçons ensemble aux Championnats Jeunes, de l’échelon départemental au championnat national, avec double classement (mixte et féminin). Cela afin que les filles jouent à leur vrai niveau, qu’elles s’habituent à des tournois plus compétitifs, et que les garçons découvrent qu’elles sont des adversaires à part entière et non des «  féminines  ». Plusieurs ligues appliquent cela depuis des années, aucune ne s’en est effondrée. Faire jouer tous les jeunes d’une même catégorie dans le même tournoi est depuis longtemps une nécessité pour améliorer le niveau des jeunes joueuses. Vous y engagez-vous  ? 

J’espère avoir bientôt vos réponses à ces questions et connaître votre programme en ce qui concerne le secteur féminin. À Échecs et Mixte  !, nous souhaitons pouvoir publier vos différentes réponses au plus tard aux alentours du 17 février 2021 : nous fêterons les six ans de l’association, ce sera une bonne occasion d’avoir une idée de l’avenir de la mixité dans notre fédération. Et cela sera suffisamment tôt pour laisser aux lecteurs du site le temps d’évaluer vos programmes. Nous sommes prêt-e-s à parler de nos propositions, à échanger sur les vôtres. Nous attendons vos retours avec impatience et curiosité. 

En attendant, je vous envoie, au nom d’Échecs et Mixte !, nos meilleurs vœux de mixité et de projets réalisés pour cette année 2021.

Sonia Bogdanovsky,

Présidente de l’association Échecs et Mixte  !

 

Souvent femme varie, bien fol(le) qui s’y fie

Cette célèbre phrase d’un macho avant la lettre, le galant (et coureur de jupons) François Ier (merci à ceux et celles qui ont signalé mon erreur d’attribution de ces deux vers!) qui me sert de titre est malheureusement parfaitement en adéquation avec l’actualité « féminine » de la FFE.

Il ne vous aura sans doute pas échappé que samedi 30 octobre 2020, en matinée, a eu lieu l’AG de la FFE. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur les résultats détaillés, je voudrais simplement disséquer un des rapports soumis au vote, celui de la DNEF (Direction Nationale des Echecs Féminins), que vous pouvez télécharger ici.

Commençons par quelques précisions sur la période concernée par les rapports soumis aux votes et les moments où ces différents rapports ont été bouclés. Il fut un temps où l’AG était prévue le 6 juin 2020, ce qui a naturellement conduit les directions nationales et les commissions techniques à préparer leurs rapports pour cette date. Par la suite, pour cause de pandémie, la date du 6 juin a été repoussée au 26 septembre et finalement, l’AG a eu lieu le 30 octobre. Si l’on regarde le bandeau bleu placé en haut de page des rapports, ils sont tous datés du 26 septembre 2020 et couvrent statutairement l’année calendaire 2019, pendant laquelle le covid 19 n’a pas sévi. Toutefois, le rapport moral a été complété en 2020, notamment pour parler de l’impact de la pandémie, ce qui est parfaitement normal et il semble que la dernière modification du rapport moral se situe entre le 6 juin et le 26 septembre 2020. Dans le rapport financier, le bilan couvre l’année calendaire 2019 tandis que le budget prévisionnel a naturellement été révisé suite au COVID qui a beaucoup changé la donne mais, apparemment, ces révisions ont été arrêtées au 31 août 2020. Ainsi, tous les rapports soumis au vote portent sur l’année calendaire 2019 mais des modifications ont pu être apportées au moins jusqu’à fin août 2020 à ces textes.

Il n’y a pas de trame officielle pour rédiger un rapport de Direction Nationale, ce qui fait que ce qui doit s’y trouver ou pas est affaire de sentiment personnel. De mon point de vue, il est important d’y trouver un récapitulatif des résultats sportifs nationaux concernant les femmes mais un tel rapport doit aussi et surtout faire le point des actions menées durant l’année calendaire concernée, ainsi que des projets enclenchés ou poursuivis. Il serait également de bon ton qu’un bilan des engagements précédemment pris soit présenté, que ces engagements aient été suivis d’effet ou pas. Toujours de mon point de vue, un petit bilan moral, affichant un peu de hauteur de vue, ne serait pas de trop en conclusion.

Venons-en aux 5 pages qui constituent le rapport de la DNEF. Je compte au bas mot la moitié du document pour rappeler les résultats sportifs, soit 2 pages et demi sur 5. Ceci est nécessaire et il ne s’agit pas de réduire cette partie en omettant des résultats mais, par comparaison, la part dédiée à autre chose qu’une simple comptabilité minutieuse des faits sportifs apparaît plutôt chiche alors que ce serait le lieu où s’exprime l’âme de ce que devrait être la DNEF, bref tout ce qui demande de l’implication, de la volonté, de l’engagement. Concentrons-nous maintenant sur les deux pages et demi du début de rapport, qui démarrent par un excellent premier paragraphe (toutes les citations de ce rapport, du plan de féminisation ou des autres rapports soumis aux votes de l’AG d’octobre 2020 sont entre guillemets et en italique).

« La saison 2018-2019 a été marquée par des engagements forts au niveau des programmes de développement de la pratique féminine et par la publication du premier plan de féminisation de la FFE qui vise à établir une feuille de route pour les années à venir, en fonction des directives ministérielles et à partir d’une étude très précise de la situation actuelle. ». Rappelons que E&M ! était enthousiaste à la lecture de ce rapport et que nous en avons fait un commentaire détaillé et très majoritairement élogieux sur ce site. Nous sommes donc entièrement d’accord avec l’expression « engagements forts ». Seulement voilà, de l’engagement à la réalisation, il y a un pas, voire plusieurs. Rappelons que ce plan de féminisation proposait 4 thèmes (développement de la pratique, féminisation des organes de direction, féminisation de l’arbitrage, soutien du haut niveau féminin), sous-tendus par des objectifs qui se déclinaient en actions, le tout accompagné d’un calendrier précis s’étendant jusqu’en 2021, (pour un plan de féminisation couvrant la période 2019/2024, JO obligent) et de critères d’évaluation de leur réussite.

                Si nous comparons les annonces du plan de féminisation pour l’année calendaire 2019 avec les réalisations telles que décrites dans le rapport soumis au vote, voici ce que cela donne, thème par thème.

Thème n°1 : Développement de la pratique

  • Le label club féminin a effectivement été renouvelé. Ce label est décerné pour deux ans. Le plan de féminisation indique 63 clubs labellisés (sur 905) pour la période 2017/2019 tandis que le rapport nous informe que « Cette année, ce sont 60 clubs qui se sont vus attribuer cette distinction ». Cela veut dire que les effectifs des clubs labellisés sont stables.
  • La semaine au féminin a bien été organisée en 2019. De même, le plan de féminisation faisait état de 40 clubs ayant participé à cet événement en 2018, que l’on comparera aux 37 clubs signalés dans le rapport DNEF de cette AG. Par ailleurs, le plan de féminisation prévoyait de « récompenser 3 projets originaux proposés durant cette semaine des échecs au féminin », le rapport indique un seul club lauréat, pour ce qui s’appelle le trophée des clubs.
  • Pour le programme Smart Girls, renouvelé comme promis dans le plan, vous trouverez sur notre site une analyse complète et chiffrée de cette initiative, qui conclut à un bilan contrasté de ce programme puisque si 330 nouvelles joueuses ont bien pris une première licence via ce programme, seulement 27% d’entre elles ont rempilé à la FFE l’année suivante.
  • Le « renforcement des partenariats avec les institutions du sport scolaire » devait être piloté par la DNS (Direction Nationale des Scolaires), ce qui explique sans doute que je n’ai pas vu une ligne à ce sujet dans le rapport de la DNEF, tandis que le rapport de la DNS montre que des choses très intéressantes se mettent en place.

On peut donc attribuer une bonne note à ce thème, même si en guise de développement on constate plutôt un statut quo du nombre de clubs impliqués dans le label féminin et la semaine au féminin.

Thème n°2 : Féminisation et sensibilisation des instances dirigeantes

  • L’adhésion à Femix’sport a bien été prise mais il ne me semble pas que la DNEF relaye « les événements et formations » proposés par cette association.
  • Il n’y a aucune nouvelle du « séminaire participatif des femmes afin d’échanger sur les attentes liées à la fonction » (de dirigeante).
  • Je n’ai pas eu vent de la « remise en place des trophées de dirigeants FFE » qui devaient récompenser « la meilleure dirigeante, le meilleur projet de développement de la pratique auprès des femmes, le meilleur club féminin ». On attend d’ailleurs toujours de connaitre les critères retenus pour décerner ces prix.
  • La « valorisation des « actions des dirigeantes par une présentation mensuelle » a démarré sur le site FFE (page du secteur féminin et pas, sauf erreur de ma part, « en une du site fédéral » comme annoncé) plus que poussivement, avec rien en janvier, l’interview d’Isabelle Hamelin en février (interview reprise dans Caïssa n°4), rien en mars, puis l’interview d’Anémone Kulczak en avril (qui est arbitre et non pas dirigeante mais ne chipotons pas, interview reprise dans Caïssa n°5) et après, plus rien jusqu’à la fin de l’année 2019, en dehors d’un entrefilet en septembre décrivant le club d’Ouziers dont toutes les personnes dirigeantes sont des femmes mais sans interview.

Zéro pointé pour le thème de la féminisation des instances dirigeantes avec deux des principales actions programmées pour 2019 non réalisées et pour la dernière action, à peine un embryon de réalisation.

Thème n°3 : Féminisation de l’arbitrage et de l’encadrement technique

  • Le plan avait annoncé la parité d’arbitrage dès août 2019 aux Championnats nationaux. Comme vous pourrez le lire sur notre site, ce fut un flop absolu avec moins de femmes arbitres l’année où l’annonce de la parité a été faite que l’année précédente.

Même mauvaise note pour le thème de la féminisation des fonctions d’arbitrage et d’encadrement technique.

Thème n°4 : Soutien au haut niveau féminin

  • Au regard du « pôle féminin national » prévu en partenariat avec la DTN (Direction Technique Nationale,) et la DNJ (Direction Nationale des Jeunes), je n’ai rien trouvé à ce sujet dans le rapport de la DNEF ce qui est tout de même un peu fort de café ; rien non plus dans le sec rapport (3 pages) de la DTN. Dans le rapport de 8 pages de la DNJ, j’ai déniché comme unique information que « Dans le cadre du pôle féminin, un stage d’entraînement a eu lieu pendant le Festival des jeux de Cannes, du 18 au 22 Février animé par Yannick Gozzoli » et qui a concerné 6 jeunes espoirs féminins sur 20.
  • La « formation de nos meilleures joueuses à la communication et à l’utilisation des réseaux sociaux » prévue pour être gérée par la DTN n’apparait ni dans le rapport de la DTN, ni dans celui de la DNEF.
  • Le marrainage des « actions de développement par nos meilleures joueuses » semble être resté lettre morte, on ne trouve en tout cas aucun mot à ce sujet dans le rapport de la DNEF.

Je ne suis pas sûre que ce dernier bilan vaille beaucoup plus que la moyenne.

C’est très bien de proposer un plan de féminisation structuré, basé sur un constat honnête de la situation actuelle et rigoureusement organisé en thèmes/objectifs/actions/calendrier/mesure d’évaluation. C’est beaucoup moins bien de ne pas le mettre en place. Plus précisément, si on analyse les réussites du plan en 2019, on s’aperçoit que l’on a :

  • Le renouvellement d’initiatives qui tournent déjà depuis longtemps (la semaine au féminin, le label féminin) ou qui sont sur les rails (Smart Girls), qui ne demandent donc pas un énorme investissement intellectuel. Certes, cela requiert de l’organisation, du temps au téléphone, des déplacements, ça ne tombe pas tout cuit dans l’escarcelle mais cela ne nécessite pas vraiment de sortir de son train-train.
  • Des actions pilotées par d’autres Directions Nationales que la DNEF (pôle féminin, conventions avec les institutions du sport scolaire). Comme ces actions ne sont qu’à peine mentionnées dans le rapport de la DNEF, on peut supposer que c’est parce que l’investissement de la DNEF a été très réduit.
  • Une prise de licence (à Femix’sport) qui a du prendre trois minutes à la personne qui a fait le virement et rempli le bulletin d’adhésion.

Inversement, ce qui manque, ce qui n’a pas été réalisé, alors que l’engagement en était pris, ce sont des actions qui demandaient de l’imagination (le marrainage d’actions tout azimut), un regard neuf (formation aux réseaux sociaux pour les joueuses de haut niveau) et de nouvelles méthodes (séminaire de dirigeantes).

                Pourquoi donc un tel décalage entre ce qui avait été promis et ce qui a été réalisé ? Et pourquoi donc ne pas reconnaître honnêtement qu’il y a eu « du retard à l’allumage » alors qu’il y avait eu du courage à admettre, dans le plan de féminisation, que le bilan n’était pas tout rose ? Y aurait-il eu une volte-face à la tête de la DNEF ? « Souvent femme varie », disait donc François.

Cette attitude de déni et de silence sensée cacher d’un voile opaque les manquements flagrants de la DNEF à ses engagements « forts » est d’autant plus regrettable qu’il semblerait que la DNEF ait quelques chances de se rattraper un peu sur le prochain rapport, qui couvrira l’année calendaire 2020 et sera présenté à l’AG 2021. En effet, n’oublions pas qu’après moult protestations, dont celles portées par E&M !, l’équipe d’arbitres des Championnat de France Jeunes prévus en 2020 était en effet paritaire. Les efforts déployés par Laurent Freyd, en allongeant la durée de l’appel à candidature et en sélectionnant une équipe avant l’annonce du nom de l’arbitre principal, avaient abouti à ce beau résultat, qui prouve donc qu’il est parfaitement possible d’avoir une équipe arbitrale paritaire sans passer par une laborieuse augmentation par petites étapes de la part féminine du corps arbitral. Certes l’équipe annoncée n’a pas pu exercer pour cause d’annulation de ces championnats mais la faute en revient seulement au virus. L’année 2020, qui touche bientôt à sa fin, a vu également naitre, avec un an de retard, une des promesses du plan de féminisation : celui d’un séminaire des dirigeantes. Toutefois, ce séminaire promis, dans le plan, pour regrouper « tous les niveaux structurels de la fédération (des clubs jusqu’au comité directeur fédéral) » est pour l’heure savamment fermé, pour ne pas dire cadenassé puisque « Dans un premier temps, ce club présidé par la DNEF et la directrice générale de la FFE concernera donc les directions régionales et départementales des échecs au féminin et pourra s’étendre par la suite » (vous noterez le délicieux flou de ce futur tout en retenue). Il manque donc à tout le moins toutes les présidentes de club.

Dans ces conditions, quelle confiance peut-on accorder à la DNEF ? Quelle confiance peut-on accorder à une liste qui fait soudain passer la directrice de la DNEF de la 6ème (pour les élections envisagée en juin) à la 4ème place (liste définitive) malgré ces oublis beaucoup trop systématiques des promesses pour être seulement des étourderies ? Bien fol(le) qui s’y fie, concluait François.

PS : les images illustrant ce texte ont toutes été trouvées sur le site (gratuit) jigsawplanet.com (que par ailleurs je vous recommande si vous aimez les puzzles pour vous détendre et détestez perdre ou abimer les pièces en carton), en lançant la recherche « chess ».

Championnat de France des jeunes en ligne : nous demandons un titre mixte

Texte d’Aude Soubrier.

/ Edit 04/07/2020 : Il s’est finalement avéré que cette répartition des titres garçons /filles était une erreur de la FFE, qui a été corrigée après la publication de cet article en restaurant les titres habituels mixtes/filles. Malgré tout, nous ne pouvons nous empêcher de voir dans cette erreur et dans l’absence de réaction de la part du milieu échiquéen un indice fort que pour beaucoup « mixte » et « masculin » restent synonymes. /

Capture d’écran du mail envoyé par la FFE à ses adhérents pour les informer de l’organisation de ces championnats en ligne.

Nous nous réjouissons que la FFE ait décidé d’organiser des championnats des jeunes en ligne à partir du 6 juillet avec des tournois mixtes, regroupant garçons et filles des même catégories d’âge

Cependant nous nous étonnons de l’attribution de titres « champion garçon » et « championne fille » alors que les titres généralement attribués sont ceux de « champion.ne mixte » et « championne fille ». 

Plusieurs réflexions à ce propos : 

  • Pourquoi un titre « garçon » alors qu’il n’y a jamais eu en France de catégorie garçon jusqu’à maintenant ? 
  • Est-ce une façon de reconnaître que les tournois et les titres jusque là dénommés « mixte » ont en réalité toujours signifié implicitement « garçon » et que dès lors que les tournois sont réellement mixtes, il faut maintenir ce titre dans le giron masculin ? 
  • Lors des championnats jeunes de l’Union Européenne, c’est le modèle qui a momentanément prévalu : des championnats mixtes avec un titre garçon et un titre fille. Quel a été le résultat ? Une certaine invisibilisation des résultats des filles. Il est évident – au vu de la répartition garçons / filles dans les échecs, et des préjugés encore persistants – qu’entre un champion garçon et une championne fille, peu de gens imagineront que la deuxième est peut-être en réalité la vainqueure de son tournoi. Voici ce que j’en écrivais en 2017 :

Par contre, pour les hommes, on ne précisera jamais qu’ils sont champions mixtes, car cela est censé aller de soi – même quand ce n’est pas le cas ! En voyant l’annonce ci-dessus, vous ne doutez pas du fait que Thomas Ariza ait remporté le titre de champion mixte en U14, d’autant qu’il est bien précisé entre parenthèse U14 alors qu’il est par exemple indiqué U10f pour Sofia Bellahcene. Eh bien vous avez tout faux, Thomas Ariza n’a en fait remporté que le titre de champion garçon. L’Union Européenne ne décernait alors pas de titres mixtes. Mais s’il avait fallu en attribuer un, il serait allé à Viktoria Radeva, seule première de ce championnat. Pourtant, si l’on disait simplement que Viktoria Radeva a été championne des moins de 14 ans, personne ne penserait qu’elle était effectivement championne « tout court » mais plutôt championne des filles de moins de 14 ans.

Enfin il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les titres et tournois féminins sont avant tout un outil de correction : un moyen de faire accéder les joueuses au haut-niveau dans une situation d’inégalité de genre, et sans attendre l’avènement de l’égalité. Les hommes n’ont nullement besoin d’un tel outil de correction. Créer un titre spécifiquement pour eux, c’est introduire une fausse symétrie, c’est à dire nier l’inégalité prégnante de notre discipline tout en empêchant les femmes d’accéder au titre général, mixte. 

Et à titre personnel, je ne suis guère plus favorable au triptyque « titre mixte + titre garçon + titre fille ». Comme nous l’avons vu, le titre garçon n’a pas de raison d’être, mais en plus le risque est grand que dans le langage courant, « titre mixte » et « titre garçon » deviennent synonymes. (D’autres à E&M préféreraient un titre de « champion-ne mixte » cumulable avec celui de champion garçon ou fille).

En bref, oui à des championnats mixtes, mais il faut garder les titres tels qu’ils sont actuellement : mixte et féminin. Et travailler activement à mettre en œuvre une égalité qui rendra le titre féminin totalement obsolète.

Mais puisque les inscriptions sont déjà ouvertes pour ce championnat, nous demandons à la FFE, au vu de ces arguments, de rajouter un titre de « champion.ne mixte » qui soit cumulable avec les deux autres titres déjà prévus.

Programme Smart Girls : Mais où sont les neiges d’antan ?

Début janvier 2020, la FFE a publié dans ses « actus » l’appel à candidature au programme Smart Girls (SG) 2020 ainsi que le bilan de cette action pour 2019, tous documents que vous pouvez consulter ici : http://www.echecs.asso.fr/Actu.aspx?Ref=12316

Comme souvent, entre l’enthousiasme des textes de la DNF et la réalité chiffrée, il y a une certaine marge qu’il me parait important de détailler, d’autant que pour une fois, tout n’est pas mauvais dans ce bilan, loin s’en faut.

Smart Girls : Pour qui, pour quoi ?

Les objectifs du programme Smart Girls, lancé au niveau de la FIDE et décliné par la FFE sont clairs, ils sont chiffrables et ils sont ambitieux :

« Faire découvrir notre sport à des jeunes filles qui sont habituellement éloignées de cette pratique sportive et favoriser, dans les meilleures conditions, leur adhésion aux clubs. » et aussi : « L’objectif de la FFE est d’atteindre au minimum 400 nouvelles jeunes licenciées en 2020. ».

Miniature du manuscrit d’Alphonse X le Sage, 1283 : Femmes maures en costume arabe jouant aux Échecs.

Un esprit chagrin pourrait se poser une question : Pourquoi ces licenciées doivent-elles être « jeunes » et quelle est la limite d’âge au-dessus de laquelle une femme n’intègre plus les canons de Smart Girls ? La FIDE et la FFE auraient-elles peur que des seniores leur fassent moins d’usage que de jeunes donzelles ? Ce même esprit chagrin pourrait aussi trouver un peu hypocrite que la FFE prétende vouloir favoriser leur adhésion dans les clubs alors que, dans le même temps, elle oblige les clubs à une « prise de licences B ou A non remboursées par la FFE, cette saison ».

Que disent les clubs du programme auquel ils ont participé ?

Pour répondre à cette question, j’ai analysé les annonces officielles des clubs, c’est-à-dire les documents qu’ils devaient fournir à la FFE au moins deux fois dans la session, sans oublier que ceux-ci pouvaient avoir été triés par la FFE avant d’être publiés dans le bilan. J’ai aussi cherché une trace de l’action des clubs sur leurs sites. Là aussi, il peut y avoir un hiatus entre réalité et ce que j’en ai vu, parce que j’ai pu m’égarer sur certains sites foisonnants et aussi parce qu’il n’y avait pas d’obligation pour les clubs de communiquer leur action sur leur site web. Après ces restrictions méthodologiques d’usage, il ressort de cette fouille une très forte disparité d’attitudes affichées par les clubs mais l’impression que j’en retire est, somme toute, plutôt encourageante. À une extrémité des possibles, certains clubs ont rempli leurs obligations de façon minimaliste : par exemple (mais il n’est pas le seul dans cette version restreinte), le club d’Aulnoye a fourni le chiffre des nouvelles licenciées de l’année et un tout petit article de presse locale (24 mai 2019, L’Observateur de l’Avesnois) où il n’est même pas fait mention du programme SG, point barre. Bien que l’édition SG de 2019 ne soit pas la première, seuls les clubs de Saint Germain Laval et Noisiel signalent qu’ils rempilaient dans le programme SG. Ceci ne veut pas forcément dire que tous les autres étaient des petits nouveaux (ce qui, ipso facto, indiquerait que les clubs de l’année d’avant ont jeté l’éponge) mais ça pose tout de même un peu la question du suivi de l’implication des clubs, sujet sur lequel la DNF s’est bien gardée de communiquer.

En revanche, plusieurs clubs se sont vraiment lancés à fond dans l’aventure, en profitant du contexte local : subventions et/ou partenariats complémentaires (FDVA : Monteux ; mairie : le club d’Orsay ; association luttant contre l’exclusion : Club Palamède, département+ mairie : Perpignan), animations « sans lien apparent » mais que je trouve parfaitement appropriées (Fontainebleau : sortie au Palais de la découverte, exposition sur les mathématiques et les neurosciences, Nomain : animation lors de la semaine de la science). Plus discrets dans leur bilan officiel, d’autres clubs ont fortement communiqué sur leur site web : Noisiel affiche clairement que « La mixité est la règle dans nos équipes, jeunes et adultes, aux interclubs, en Nationale ou en Critériums », le club de Limoges a posté une interview donnée à Radio France Bleu Limousin (https://www.youtube.com/watch?v=PuCsuM50Otg&feature=youtu.be) de la présidente et de la responsable du projet SG dans les bibliothèques  qui aborde bien des sujets (les quartiers, les jeunes, les femmes etc…) tandis que Nomain, dans son post du 15 février, met en ligne un discours très engagé de Julien Clarebout. Dans une attitude intermédiaire, citons Suresnes et Palamède Echecs, qui ont tous les deux fait un petit reportage sur la journée SG organisée par la DNF au château d’Asnières (20 octobre 2019)

Reine qui joue aux échecs
Anonyme, tapisserie, XIVe siècle. Colmar, musée d’Unterlinden

Mais au fait, combien de SG ?

Le bilan 2019 présenté par la FFE fait état de « 330 nouvelles jeunes joueuses, parmi toutes celles qui ont découvert notre sport et qui ont été licenciées dans l’un des 23 clubs pilotes. ». C’est indiscutablement une excellente nouvelle et 330 est un très beau chiffre, qui devient tout à fait impressionnant si on le compare à la variation du nombre de licencié.e.s FFE (A et B) entre les saisons 2017/2018 et 2018/2019 : 54860 licencié.e.s en 2017/2018 et 54082 pour 2018/2019, soit une diminution de 778 licences (http://www.echecs.asso.fr/Actus/6797/FFE2000a2019.pdf). Est-ce à dire que le programme Smart Girls, logiquement reconduit pour la saison 2019/2020, permettrait d’enrayer, au moins partiellement, la chute des licences de la FFE que l’on observe depuis quelques années ? Pour cela, il faudrait que ces nouvelles inscrites de 2018/2019 aient décidé de reconduire leur licence en 2019/2020, sinon, elles n’auront été qu’un feu de paille sans aucune conséquence bénéfique à long terme. Bref, que sont donc devenues ces 330 nouvelles licenciées un an après avoir découvert les échecs grâce au programme Smart Girls ?

Pour répondre à cette question du suivi, j’ai dressé un bilan, arrêté à la date du 12 janvier 2020, du programme Smart Girls 2019. Ce dernier a concerné des actions ayant eu lieu entre décembre 2018 et octobre 2019, donc des prises de licences à la saison 2018/2019. Je me suis armée de patience et j’ai scruté les données accessibles sur le site de la FFE. Pour chacun des 23 clubs ayant participé au programme Smart Girls de 2019, j’ai étudié la liste des adhérentes de la saison actuelle (2019/2020), que j’ai consultée pour tous ces clubs le 12 janvier 2020. On peut raisonnablement penser que si une SG de 2018/2019 n’a pas renouvelé sa licence à la mi-janvier de la saison suivante, c’est qu’elle ne le fera pas. Suivant la logique d’attribution des codes licences à la FFE, les personnes ayant pris une licence à la FFE pour la première fois à la saison 2018/2019 ont un numéro qui commence par S5, S6 ou S7 (http://www.echecs.asso.fr/Actus/6797/EFFBRUTS.pdf). Evidemment, ce comptage est « un peu faux », d’une quantité difficile à estimer, parce que dans ces licenciées, se trouvent aussi potentiellement des joueuses n’ayant jamais entendu parler du programme SG et venues au club spontanément. A l’inverse, il n’est pas impossible qu’une SG disparaisse des compteurs pour cause de déménagement dans un club n’ayant pas participé au programme SG. Ces corrections sont très vraisemblablement mineures, la seconde étant sans doute bien inférieure à la première, si bien que l’on peut raisonnablement supposer que le décompte effectué de cette façon donne une valeur légèrement supérieure à la réalité recherchée.

Pour chacun des clubs, j’ai rassemblé dans un tableau excel (1) l’existence du label féminin (oui/non), le nombre total d’adhérents (H et F) au 12 janvier 2020, le nombre de joueuses adhérentes à la même date, le nombre de licenciées SG tel qu’annoncé dans le bilan 2019 fourni par la FFE et enfin les licences de femmes avec la lettre S, suivi du chiffre 5 ou supérieur, qui sont donc potentiellement les SG ayant poursuivi dans le club de leur début. 

Commençons pas des constatations d’ordre général. Tout d’abord, le label féminin n’est pas obligatoire pour qu’un club soit retenu dans le programme SG puisque 11 clubs sur les 23 n’ont pas ce label. Ensuite, 9 clubs sur 23 affichaient en janvier 2020 un pourcentage de joueuses supérieur ou égal à 25% (Podium : Culture Echecs Suresnes : 41,5% ; Roubaix Echecs : 40% et Nomain : 35%) donc supérieur à la valeur moyenne de la FFE. Cependant, pour les 23 clubs concernés, soit un total, H et F confondus, de 1731 personnes licenciées, on dénombre 731 F, soit 22,9% du total, une valeur très proche de la moyenne de la FFE.

Venons-en maintenant au cœur du sujet. Dans le bilan fourni, 20 clubs sur les 23 ont indiqué le nombre exact de SG qu’ils ont licenciées sur la saison 2018/2019, ce qui mène à un total de 311 nouvelles joueuses. La différence avec le chiffre de 330 annoncé par la FFE, soit 19, doit donc être mis à l’actif de l’ensemble des trois clubs muets sur leurs résultats chiffrés dans le bilan publié. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de ces clubs dans la suite des calculs, du fait de cette inconnue. Ainsi, en janvier 2020, sur ces 311 joueuses, il en restait 84 au total dans les clubs impliqués, ce qui veut dire un taux de survie (pardonnez-moi l’expression) de 27%. Un examen attentif du fichier permet de constater des écarts très importants d’un club à un autre. 4 clubs ont conservé moins de 10% des SG recrutées, 3 parmi ces 4 n’en ayant récupéré aucune, tandis que 2 clubs affichent un taux de maintien de 100 % (l’Aviron Bayonnais et JEEN Paris) et que Palamède Paris obtient un taux record de 112 %, qui traduit la présence de joueuses n’ayant pas été licenciées via le programme SG.

silhouettes de joueuses d’échecs. (oeuvre du XVIIIème siècle, auteur.e inconnu.e)

Mais où sont les neiges d’antan ?

Ainsi, le bilan chiffré apparait-il contrasté. L’engagement de ces clubs a permis de licencier de nombreuses nouvelles joueuses mais force est de constater que seulement 27% d’entre elles ont poursuivi l’aventure échiquéenne l’année suivante. Selon que vous êtes plutôt verre à moitié vide ou verre à moitié plein, vous trouverez ce taux de succès encourageant ou désespérant. Pour se faire une réelle opinion de cette performance ou contre-performance, il faut comparer ce taux d’échecs de 73 % au taux général de non renouvellement des premières prises de licences au niveau national. Puisque la saison 2019/2020 ne s’achèvera que fin août 2020, ce taux est encore inconnu mais on peut d’ores et déjà en avoir une estimation avec les chiffres généraux accessibles au 01/03/2020. A cette date, il y avait 17295 codes T (première prise de licences pour 2019/2020) et 7075 codes S, chiffre qui ne prend en compte que les codes attribués depuis 2004/2005 et est donc le chiffre des survivant.e.s à la prise de licence en 2018/2019. En négligeant les variations entre cette saison et la saison passée, on en déduit que le taux de non-renouvellement en deuxième année de FFE est de l’ordre de 59 % en ce début mars 2020. Ce taux pourrait légèrement baisser jusqu’au mois d’août, si des adhérent.e.s de l’an passé ont brusquement un remord ou une envie de revenez-y (ce qui risque d’être très limité compte tenu de l’état de confinement actuel) mais globalement, le taux de renouvellement de la FFE est significativement meilleur que le taux de renouvellement du programme spécifique SG (environ 41% pour la FFE et donc 27 % pour SG). Bref, Flora, Archipiada (2), sa cousine Thaïs, Echo, Héloïse, Blanche, Berthe, Bietris, Alis, Harenburgis et Jeanne n’ont fait qu’un petit tour à la FFE et puis s’en sont allées, je vous laisse choisir les prénoms des trois dames du temps jadis qui se sont réinscrites.

Est-ce totalement désespéré ? Que faire ?

               Malgré les apparences, je ne le pense pas. En effet, le taux de non-renouvellement moyen du programme SG cache, comme déjà indiqué, de grandes disparités de comportements et de résultats des clubs qui y ont participé. Sur les 23 clubs participants, 10 ont un taux de renouvellement supérieur à 40% (Aviron bayonnais, Fontainebleau, Noisiel, Nomain, Orsay, JEEN, Palamède, Roi de la têt, Roubaix et Saint Etienne), où l’on retrouve, ‘comme par hasard’, une bonne partie des clubs repérés, via le bilan de la FFE et de leur site web, comme fortement engagés dans l’action pour la féminisation des échecs (mais pas qu’eux). Ce sont en fait les clubs à 0% qui plombent la moyenne. Il est donc possible d’attirer et de garder les femmes et filles dans les clubs, il ne reste plus qu’à connaitre les recettes des clubs cités. Compte tenu des mesures de confinement actuelles, il est malheureusement probable que le succès du programme SG 2020 sera plombé pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le jeu d’échecs et que l’objectif de 400 nouvelles inscrites sera difficile à atteindre. Par ailleurs, il faudra sans doute que la charte d’engagement soit revue, au moins pour cette année, puisqu’il sera certainement délicat de maintenir 10 mois de cours à une heure par semaine. Faisons confiance à la DNF pour faire preuve de bon sens et de mansuétude.

               En ces temps de confinement, peut-être la chose la plus intelligente à faire serait-elle de discuter très sérieusement avec tous les clubs du programme SG de 2019, afin de cerner les raisons des réussites et des ratés du programme en terme de réinscription, des SG dans le club et des clubs au programme. Mon petit doigt me dit que les effets d’aubaine qui ont peut-être convaincu certains clubs de se lancer dans le programme (puisque visiblement, l’an passé, la FFE payait la licence des SG) ne sont pas rentables sur le long terme. En revanche, des clubs qui s’impliquent depuis longtemps pour la parité, avec des membres actifs sur le sujet, en profitant du programme SG, n’ont fait que rendre visible la lame de fond qu’ils ont su initier en leur sein.
 A ceux-là, je tire mon chapeau.


  1. Que je tiens à la disposition de quiconque le demandera []
  2. Qui pourrait être un homme, en fait mais bon … []

Echecs , mensonges et vidéo

Article d’Isabelle Billard

On peut réglementairement mentir dans une impressionnante liste de jeux de plateau 1. Mentir pour conclure un accord qu’on trahira au tour suivant (Monopoly, Catane, Risk…). Mentir pour abuser l’équipe adverse (Loup Garou). Mentir pour donner du piment au jeu (tous les jeux de rôles, typiquement). Au jeu d’échecs, on ne peut pas mentir, en principe. Bien sur, il y a les gambits, l’offre d’un pion empoisonné par exemple en b2/b7 ou le sacrifice de Dame si tentant et pourtant si dangereux à accepter. Tout cela n’est pas mentir. Le coup s’est joué sur l’échiquier, au vu de tout le monde, il n’y a pas entourloupe, et la plupart du temps, l’adversaire n’est pas obligé de prendre. Un comportement plus limite est la fausse mine dépitée après votre coup, la main qui se déplace au-dessus du plateau de jeu et semble hésiter alors que vous connaissez l’ouverture par cœur. Ces comportements, qui s’apparentent plutôt au bluff du poker ou aux comédies des joueurs de foot qui tombent à terre en hurlant à la mort pour une pichenette, vous attireront les foudres de l’arbitre si vous abusez du procédé et que votre adversaire porte plainte. 

Une des tartes à la crème des textes sur les échecs est de vanter les valeurs sportives que véhicule le noble jeu : respect des règles, respect de l’arbitre, respect de l’adversaire. On pourrait donc s’attendre à ce que les représentants de la FFE soient irréprochables quant au respect de la parole donnée et soient d’une honnêteté intellectuelle à toute épreuve. Tout le monde a le droit de se tromper, mais personne n’a le droit de mépriser ses interlocuteurs, ses adhérents, le Ministère et le public en général qu’il puisse s’autoriser à promettre monts et merveilles pour, dans la foulée, s’asseoir sur les textes écrits qui engagent la FFE via leur signature. 

Et pourtant ! Si je reprends le texte du « Plan de féminisation de la FFE » qui nous avait tant plu (voir ici et ), en commençant par le mot du président, j’apprends que « La féminisation du sport échecs est une mission prioritaire de la FFE, nous nous engageons à favoriser l’accès des filles et des femmes à toutes les formes de pratiques du jeu d’échecs, à lever les obstacles qui entravent leurs engagements dans le haut niveau et à leur permettre une meilleure représentation dans les instances dirigeantes et encadrantes. » (signé: Bachar Kouatly). Dans le détail du plan, présenté cet été oralement par J. Wolfangel et M. Choisy, nous avions tout particulièrement signalé notre adhésion et notre enthousiasme pour les mesures visant à « tendre vers la parité sur l’arbitrage des grands championnats (championnat de France, championnat de France jeunes, championnat de France Rapide et Blitz)» (page 18). Encore plus précis et plus exigeant, le tableau de ce même plan, page 19, indiquait que l’objectif intitulé ‘parité sur l’arbitrage des championnats nationaux’, piloté par la DNA, devait commencer en août 2019, aux Championnats de France de cette année, par conséquent, et que l’indicateur chiffré serait le pourcentage de femmes. Résultat, la liste officielle des arbitres de ce championnat mentionne en tout et pour tout 3 femmes (Lucie ARGENTE, Dominique CYRILLE et Marie GUIBERT), pour 14 arbitres, soit une femme arbitre de moins que l’an passé pour le championnat de Nîmes, encadré par 12 arbitres au total. Pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre qu’en passant de 4 F sur 12 à 3 F sur 14, on assiste à une régression. À tout le moins, on peut trouver que la FFE a une curieuse façon de « tendre » vers l’égalité des genres dans l’arbitrage des Championnats de France. 

Notez que je n’accuse pas les signataires du plan de mensonge éhonté. En effet,on peut trouver plein de raisons à ce pitoyable résultat après tant de battage médiatique, que l’on peut classer en deux catégories d’explications, que nous allons examiner tour à tour.

1) « C’est la faute aux femmes ! »
Evidemment, comme dit une pub célèbre, ‘100% des gagnantes auront tenté leur chance’, si bien que si moins de 7 femmes se sont portées candidates pour arbitrer aux championnats de France, même la meilleure volonté du monde n’arrivera pas à en mettre 7 dans la liste, sauf à prendre des volontaires désignées d’office, ce qui n’est pas souhaitable non plus. Toutefois, nos diverses sources d’information indiquent qu’au moins 5 femmes se sont portées candidates. Le compte n’y est toujours pas mais quelles ont été les raisons qui ont conduit à réduire ce nombre à portion si congrue ?

Encore une fois, je ne fais pas a priori de procès d’intention à la FFE mais tout de même, il y a de quoi se poser quelques questions. Toujours d’après nos informations, il n’y a pas eu de désistement pour cause de force majeure et aucune des candidates n’avait un niveau insuffisant. En revanche, une candidate a été écartée pour, parait-il, des petits soucis de comportements au cours d’arbitrages précédents, ce dont elle s’étonne. Sur ce dernier cas, je ne veux pas lancer une polémique qui n’a pas été souhaitée par l’arbitre en question mais comme dit encore une fois la pub, « il n’y a pas de petits soucis de comportement » quand on est arbitre. Ou bien il y a une plainte d’un joueur et une décision en commission ou bien il n’y en a pas. En l’absence de plainte passée, l’argument retenu pour l’écarter des Championnats sent fortement le moisi. Enfin, une deuxième candidate a été écartée parce qu’elle avait déjà arbitré lors des Championnats jeunes de cette année. Reste donc trois femmes pour un objectif de 7. 

Que les candidatures ne soient pas automatiquement acceptées, cela est normal. Que la première année où l’on claironne qu’on va vers l’égalité arbitrale, on se retrouve avec moins de femmes que l’année d’avant l’est beaucoup moins et ce n’est pas cet état de fait qui va susciter l’enthousiasme des femmes pour les candidatures de l’an prochain. 

Nous en venons donc logiquement à la seconde catégorie de raisons possibles à ce fiasco lamentable :

2) « C’est la FFE, la DNF et la DNA 2   qui n’ont pas fait leur boulot ! »

Commençons par deux questions ‘poil à gratter’ : 

  • 1) y a-t-il plus de raisons pour exclure une femme, sous prétexte que les femmes ne représentent que 25 % de la FFE plutôt que de choisir un homme sous prétexte que les hommes représentent déjà 75 % des licenciés ? Dans les deux cas, on choisit pour un argument lié au sexe, qui n’a rien à voir avec les compétences requises, alors pourquoi s’offusquer dans un cas et trouver ça parfaitement normal dans l’autre? 
  • 2) Notre Fédération crève, pour partie, d’effectifs en berne. Montrer que les échecs ne sont pas un monde ‘que pour les hommes’ pourrait avoir un effet positif sur les effectifs féminins de la FFE, par effet d’entrainement. Prouver qu’aux échecs aussi, les femmes ont leur place, comme partout ailleurs dans la société, est une œuvre de salut public, un argument vendeur pour des tas de dossiers de subvention (soyons horriblement pragmatique) et pourrait devenir une obligation ministérielle. Voulons-nous donc absolument nous cramponner à des attitudes ringardes ? Ne serait-il pas plus intelligent de devancer un tantinet non pas l’évolution de la société dans son ensemble (là, c’est déjà raté) mais l’évolution législative? 

Passons aux questions qui fâchent mais que tout cerveau normalement constitué va fatalement se poser : 

  • Se pourrait-il que des dissensions, pour ne pas dire des guerres de clan, existent au sein de la gouvernance de la FFE, qui auraient conduit à ce que la volonté d’une Direction Nationale soit considérée comme lettre morte par une autre? 
  • Ou bien alors, la DNF aurait-elle tout simplement oublié (!) de prévenir ou de discuter avec la DNA pour rédiger le plan de féminisation et chacun faisant son travail dans son coin sans se concerter, on en arrive à des incohérences majeures de cet ordre, plus personne ne voulant alors prendre la responsabilité de ce ratage? 
  • La Présidence de la FFE, en cette période d’agitation habituelle d’avant les AG, se serait-elle sentie si peu concernée par des promesses, qui, comme chacun sait, n’engagent que ceux qui y croient, qu’elle aurait tout simplement fait l’impasse sur ce point? 

Bref, pouvons-nous espérer avoir une explication franche et honnête à ce qui apparait, au choix, comme un couac monumental, un mépris affiché de la parole donnée, une désorganisation complète ou de l’incompétence avérée, voire les quatre à la fois ?

Pour l’an prochain, serait-il trop demandé de suggérer que la FFE, après un audit des raisons de ce cafouillage préjudiciable à sa réputation, s’y prenne autrement, par exemple en se donnant plus de moyens, tôt dans la saison, pour aller chercher des arbitres femmes, comme par exemple :

  • en écrivant à toutes les arbitres femmes pour leur expliquer qu’elles pourraient participer à de cet arbitrage prestigieux
  • en (re)publiant un appel en page d’accueil du site de la FFE
  • en écrivant à tous les clubs et arbitres formateurs pour qu’ils relaient cet appel
  • en mettant tous les responsables autour de la table, pour que nul n’ignore la politique affichée de la FFE ? 

Isabelle Billard

PS: ah oui, j’oubliais, pour le troisième mot du titre : http://www.echecs.asso.fr/Actu.aspx?Ref=12067

Illustration : Georges de La Tour, Le Tricheur à l’as de carreau.

1. Les listes de jeux choisis pour illustrer cet article ne sont nullement exhaustives.

2. DNF : Direction Nationale des échecs au Féminin et DNA : Direction Nationale de l’Arbitrage.

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