#MeTooChess : rendre visible le harcèlement sexiste et sexuel dans les échecs

Comme beaucoup nous avons été très touché-e-s de la lettre collective écrite par des joueuses et signée par plus d’une centaine d’entre elles dénonçant le harcèlement sexiste et sexuel et les agressions qu’elles ont pu vivre dans des clubs, des tournois et lors de l’entrainement : « Pour que la peur change de camp »

Cette lettre courageuse et nécessaire parue dans le journal Le Monde a le mérite de montrer, notamment à ceux qui ne connaissent pas ce milieu, que le sexisme y existe et y est courant, notamment dans ses aspects les plus sombres.

Une jeune femme assise sur un banc de pierre, nue avec seulement un drap posé sur une cuisse, tente de repousser deux hommes, penchés de l'autre côté du banc qui semble lui parler. Elle a l'air triste, harassée, épuisée.
Suzanne et les Vieillards, par Artemisia Gentileschi (1610)

Nous voudrions ici pouvoir montrer cela aussi à celles et ceux qui évoluent dans le monde des échecs et qui souvent ne voient pas le sexisme, celles et ceux qui ne se sentent pas concerné-e-s, qui ne réagissent pas si ça se passe devant eux car ces personnes ne se rendent pas forcément compte du problème. Nous sommes pourtant nombreuses à avoir entendu des remarques choquantes et à voir que ça ne dérangeait pas, ou pas tant que ça les joueurs tout autour. Nous voulons leur montrer que ces comportements existent, pour qu’ils puissent réagir. Ce n’est pas grand chose de dire à quelqu’un « là, tu peux pas parler comme ça » et pourtant ça change tout. Cela a un impact non seulement sur celui qui a fait une remarque sexiste (car il découvre que non, tout le monde ne pense pas comme lui, et que oui, là il a dépassé les bornes), mais cela impacte aussi celle qui se prend cette remarque : ça lui montre qu’elle n’est pas seule dans ce tournoi, dans ce club, ou face à cet entraineur. Ça lui rappelle qu’il est normal qu’elle soit choquée, et qu’elle a le droit de ne pas admettre qu’on lui parle comme ça.

Nous aimerions collecter ces remarques pour que nos ami-e-s, nos coéquipiers, nos entraineurs, tous ceux qui évoluent dans le monde des échecs puissent comprendre que oui, c’est réel, oui, ça arrive souvent, oui, on n’en peut plus.

Vous avez été témoin ou victimes de remarques ou de propos sexistes dans un club d’échecs ? Vous avez jugé que ça ne valait pas la peine de faire une plainte à la commission de discipline, ou vous l’avez fait mais vous souhaitez en parler maintenant ? Vous voulez qu’on sache que ça existe, qu’on voie le problème ? Envoyez-nous un mail à l’adresse echecsetmixte@gmail.com pour nous le raconter. Pensez à nous donner votre vrai nom (pour qu’on soit sûr que vous existez bien, qu’on n’est pas face à un fake) et précisez si vous souhaitez rester anonyme ou si vous souhaitez que votre témoignage soit publié avec votre nom, vos initiales, ou autre. C’est intéressant d’indiquer des détails, comme par exemple votre âge au moment des faits, la situation (en cours, au club, en tournoi…) Vous pouvez aussi mettre vos anecdotes directement sur Twitter (X) avec le hashtag #MeTooChess.

Nous publierons vos témoignages ici et sur les réseaux sociaux de l’association (Twitter / X et Facebook). Vous pouvez bien sûr aussi nous envoyer vos témoignages par message privé sur nos réseaux.

En attendant vos témoignages, voici quelques exemples de remarques entendues (ce sont des exemples venus de plusieurs personnes, de différents clubs et de plusieurs ligues) :

« T’es gentil avec la demoiselle ! »

par un ami de mon adversaire juste avant une partie de tournoi important.
J’ai battu l’adversaire en question.

« Le problème avec cette joueuse, c’est qu’elle s’épile pas les aisselles »

par un joueur de mon club. Il parlait d’une joueuse de haut niveau. En entendant ça, j’ai compris qu’on peut jouer aussi bien que possible, on sera toujours réduite à son corps, à un morceau de viande qui doit être désirable pour les hommes.

« Il y a plusieurs femmes dans votre équipe ? J’apprécie beaucoup les femmes ».

Par un joueur qui se voulait sans doute galant d’une équipe adverse lors d’un match de nationale.

« Faites attention sinon vous allez vous le prendre dans les dents ! »

J’étais arbitre-joueuse d’un match de Nationale dans mon club. Le capitaine de l’équipe adverse et mon adversaire se disaient des blagues dans la salle, ce qui me dérangeait. Je leur ai demandé de se taire. Le capitaine de l’équipe adverse m’a affirmé qu’il avait le droit de parler à son joueur. J’ai répondu qu’il n’avait pas le droit de lui parler pour des blagues. Le joueur, une armoire à glace, m’a rétorqué cette phrase. J’ai demandé s’il parlait au propre ou au figuré. Il m’a répondu que c’était au figuré, mais j’étais terrorisée. Après ma partie, comme j’étais arbitre et que je devais rester jusqu’à la fin du match, je suis allée me cacher dans les toilettes pour pleurer. C’était il y a une dizaine d’année, j’ai pu envoyer un avertissement, en tant qu’arbitre, à ces deux joueurs.

« Il y a des années, avec des potes, on se disait que pour gagner des coupes il faudrait se couper les couilles, et ben maintenant à la FFE il y en a qui le font ! »

Par un joueur du club. Là j’ai compris que pour ce joueur, qui enseigne par ailleurs les échecs, une femme était juste un homme avec des « couilles » coupées.

« _ Je vais te planter un mat du Berger !

_ Tant que tu me plantes pas autre chose ! »

Cet échange élégant se trouvait sur le groupe What’s app (non officiel) de mon club. La plupart de ceux qui l’ont lu trouvé ça très drôle, mais pas moi (j’y étais la seule fille). J’ai fait savoir que ce n’étais pas le lieu pour ça. On m’a répondu que c’était à la majorité de décider, et que la majorité était pour ce genre d’humour (comme je l’ai dit, j’étais la seule fille. Donc jamais dans la « majorité »). J’ai quitté ce groupe.

« Oh, c’est magnifique, quand tu te penches en avant c’est vraiment magnifique ! »

J’aidais à préparer un tournoi en posant des feuilles de partie sur les échiquiers. Je ne m’étais pas rendu compte que mon haut baillait et qu’on voyait mon décolleté. Celui qui a dit ça à la cantonade était l’arbitre principal. Je suis allée le voir, on s’est expliqué discrètement, il a compris le problème et n’a pas recommencé.

Acte III, scène 2, vers 860.

Pour cette fois, je vais vous parler de théâtre. Après tout, on a souvent comparé les parties d’échecs à des pièces de théâtre miniature, où un destin royal se joue en une unité de temps, de lieu et d’action, comme l’impose la règle du théâtre classique.

Plantons donc le décor familier où va se jouer le drame classique qui fait le sujet de mon billet d’aujourd’hui : Un tournoi d’échecs, la pause entre deux rondes. Des joueurs se regroupent, discutent, commentent leur partie du matin, dans l’attente de la publication des appariements suivants. Certains ont gagné, d’autres ont annulé, d’autres enfin ont forcément perdu. Parmi ce dernier groupe, il va fatalement s’en trouver un ou deux pour tenter de justifier leur zéro pointé autrement que par la dure loi du plus fort, comprenez celle de l’adversaire. Soyez honnêtes, tous ici qui me lisez, des scènes de ce style, vous en avez écoutées, peut-être même en avez-vous jouées :

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Le Tournoi (Extraits)

Vous avez un compte Facebook ? Sur sa propre page, Elodie Namer, réalisatrice du film, en présente un extrait par une citation de Rebecca West  :

« Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson. » Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor

Voir cet extrait qui soulève spontanément la problématique du conditionnement dissocié des joueuses et des joueurs d’Échecs, dès leur plus jeune âge. Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor

La sortie en salle du film Le Tournoi est prévue le 29 avril 2015 à Paris. Regardez la bande-annonce et réservez vos places ! Aurélie Dacalor

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