Elections 2021 : la mixité aux championnats jeunes


La mixité aux championnats jeunes est une de nos demandes principales et la plus ancienne. Nous sommes persuadé-e-s, depuis longtemps, que pour que les jeunes joueuses s’améliorent, mais aussi pour que tous les joueurs considèrent la mixité comme une évidence, il faut que filles et garçons jouent ensemble aux championnats départementaux, régionaux et nationaux. Cela en établissant deux classements, un féminin et un mixte, pour éviter la disparition des joueuses à partir d’un certain niveau de qualification. Disparition qui serait la conséquence du faible nombre de joueuses : il y a actuellement moins de très bonnes jeunes joueuses que de très bons jeunes joueurs.

Concernant les championnats qualificatifs départementaux et régionaux, les listes Unité et Ouverture se prononcent pour, à condition que les organes déconcentrés (c’est à dire les comités départementaux et les ligues qui organisent ces championnats) souhaitent le faire. À noter que la liste Unité nous dit qu’elle trouve cela justifié car à ces niveaux filles et garçons ont des Elo qui ne sont pas si inégaux, tandis qu’Ouverture considère « avoir le devoir de les convaincre que la mixité des qualifications départementales et régionales représente une réelle opportunité pour nos joueuses ». Ce qui est important : si on n’incite pas les organes déconcentrés à le faire, en leur montrant que rien ne va s’écrouler en faisant le choix de la mixité, ils ne le feront pas. Rappelons que plusieurs ligues font déjà jouer filles et garçons ensemble, dont l’Île de France, l’une des ligues les plus importantes en nombre de licencié.e.s. La liste Ouverture propose de débuter par les petites catégories (U8 et U10), puis de passer progressivement aux autres. Les joueuses pourront concourir simultanément pour une qualification en mixte et en féminin, ce qui est très important car actuellement certaines Ligues leur demandent de choisir avant la première ronde le tournoi auquel elles veulent se qualifier. Or c’est pendant les qualifications  que les joueuses peuvent se rendre compte que jouer « contre les garçons » est à leur portée.

Pour les championnats nationaux, nous constatons une vraie différence de point de vue entre Unité et Ouverture. Sophie Milliet, numéro 2 d’Unité, considère qu’il est plus motivant pour les filles de jouer en catégorie féminine, pour se fixer des objectifs « atteignables » et de laisser celles qui le veulent jouer en mixte.
Le problème que pointait du doigt sur notre site Mathilde Choisy en 2015  c’est que laisser les filles jouer entre elles leur offre des tournois moins sportifs et ne les incite pas à progresser autant qu’elles le pourraient, sans même qu’elles s’en aperçoivent : 

« Quand on est enfant, on rêve d’avion, de voyage, d’équipe de France et puis « Europe » et « Monde », ça sonne tellement bien ! Avec le recul, mes ambitions étaient bien ridicules. Mais quand on est gamine, la simple idée d’être privée de cette récompense parce qu’on s’engage dans un championnat plus fort est rédhibitoire. On ne s’imagine pas une seconde que le fossé va se creuser jusqu’à devenir un gouffre et on se réveille à 20 ou 25 ans en se disant juste « Merde ». »


Pour pallier ce problème, Unité propose néanmoins la possibilité de pouvoir être sélectionnée en équipe de France, pour les jeunes joueuses du national mixte jeune, sur dossier. Ce qui peut être une solution, mais qui existe en partie déjà (le Pôle Espoir de la FFE peut sélectionner aux championnats d’Europe et du monde des joueurs et joueuses qui n’ont pas terminé premier.ère.s de leur championnat, mais sans les financer autant que les champions de France). Ce qui  manque dans cette proposition d’Unité, c’est la part d’incitation, indispensable à nos yeux. Les jeunes joueuses auront-elles envie de faire ce parcours ? Qui le leur conseillera ? Les clubs se sentent valorisés par des titres de championnes (et peuvent recevoir pour cela de meilleures subventions), tout comme certains parents. Les filles risquent donc d’être poussées par leur entourage à jouer en catégorie féminine, pour avoir l’assurance d’un titre. Et on se retrouvera face au même problème : des filles qui croient que le mixte, c’est « chez les garçons », que « c’est plus dur » et qu’elles n’ont rien à y faire. Et des garçons qui considèrent que les filles sont nécessairement plus faibles, puisqu’on leur réserve des tournois où elles sont entre elles. Plusieurs jeunes joueuses ont rapporté que les filles jouant en catégorie mixte étaient moquées par les garçons et « attendues au tournant » en cas de mauvaise performance.

Unité estime aussi que « la suppression de toutes les compétitions féminines n’ayant en aucun cas démontré auprès de nos voisins son efficacité pour accroître le nombre de joueuses, il convient d’avoir une approche pragmatique et apporter avec les organes déconcentrés des engagements concrets. » C’est aussi ce que nous a fait remarquer la liste Ouverture : la peur que des championnats uniquement mixtes fasse baisser le nombre de joueuses comme cela a pu arriver à l’étranger. En d’autres termes, on nous dit qu’en faisant jouer les filles dans des championnats plus sportifs, elles décident d’arrêter de jouer. Ce qui est peut-être vrai. Mais alors, pour contrer ce problème, il faut trouver des moyens de faire que les filles se sentent à l’aise dans un championnat mixte. Rappelons-le, ce n’est pas aux filles de s’excuser d’être mal accueillies par certains garçons ! Il faut qu’elles puissent trouver en mixte la convivialité qu’elles ressentent dans un championnat féminin. Il y a certainement des solutions à trouver de ce côté-là.

Le programme d’Ouverture indique qu’il faut d’abord que les championnats de Ligue soient mixtes pour que les Championnats Nationaux le deviennent, et qu’une évaluation de la situation sera faite à mi-mandat. Ici, on a la sensation d’un serpent qui se mord la queue : les championnats nationaux deviendront mixtes quand les régionaux seront mixtes… alors que des championnats de France qui restent séparés entre le mixte et le féminin n’inciteront pas les ligues à faire jouer tout le monde ensemble. Dans une discussion de vive voix avec Eloi Relange, suivie d’échanges par mails, nous espérons l’avoir convaincu qu’il est possible de passer directement à la mixité totale aux championnats de France Jeunes. Nous l’avons senti réceptif à nos arguments, notamment sur les questions pratiques. Nous espérons donc pouvoir arriver à la mixité aux championnats nationaux dans de bonnes conditions pour tous et toutes dans un avenir proche si cette liste est élue. 

Nous n’indiquons pas de réponse de la part de la liste Un temps d’avance, car nous n’avons pas reçu de réponse sur cette question. Cette absence de réponse et le fait que Bachar Kouatly, à la tête de la FFE depuis 2016, n’ait jamais cherché à rendre mixtes les championnats de France jeunes nous semblent néanmoins une bonne indication de ce que cette liste compte ne pas faire sur ce point.

Pour revenir au sommaire de notre dossier, il suffit de cliquer ici.

Championnat de France des jeunes en ligne : nous demandons un titre mixte

Texte d’Aude Soubrier.

/ Edit 04/07/2020 : Il s’est finalement avéré que cette répartition des titres garçons /filles était une erreur de la FFE, qui a été corrigée après la publication de cet article en restaurant les titres habituels mixtes/filles. Malgré tout, nous ne pouvons nous empêcher de voir dans cette erreur et dans l’absence de réaction de la part du milieu échiquéen un indice fort que pour beaucoup « mixte » et « masculin » restent synonymes. /

Capture d’écran du mail envoyé par la FFE à ses adhérents pour les informer de l’organisation de ces championnats en ligne.

Nous nous réjouissons que la FFE ait décidé d’organiser des championnats des jeunes en ligne à partir du 6 juillet avec des tournois mixtes, regroupant garçons et filles des même catégories d’âge

Cependant nous nous étonnons de l’attribution de titres « champion garçon » et « championne fille » alors que les titres généralement attribués sont ceux de « champion.ne mixte » et « championne fille ». 

Plusieurs réflexions à ce propos : 

  • Pourquoi un titre « garçon » alors qu’il n’y a jamais eu en France de catégorie garçon jusqu’à maintenant ? 
  • Est-ce une façon de reconnaître que les tournois et les titres jusque là dénommés « mixte » ont en réalité toujours signifié implicitement « garçon » et que dès lors que les tournois sont réellement mixtes, il faut maintenir ce titre dans le giron masculin ? 
  • Lors des championnats jeunes de l’Union Européenne, c’est le modèle qui a momentanément prévalu : des championnats mixtes avec un titre garçon et un titre fille. Quel a été le résultat ? Une certaine invisibilisation des résultats des filles. Il est évident – au vu de la répartition garçons / filles dans les échecs, et des préjugés encore persistants – qu’entre un champion garçon et une championne fille, peu de gens imagineront que la deuxième est peut-être en réalité la vainqueure de son tournoi. Voici ce que j’en écrivais en 2017 :

Par contre, pour les hommes, on ne précisera jamais qu’ils sont champions mixtes, car cela est censé aller de soi – même quand ce n’est pas le cas ! En voyant l’annonce ci-dessus, vous ne doutez pas du fait que Thomas Ariza ait remporté le titre de champion mixte en U14, d’autant qu’il est bien précisé entre parenthèse U14 alors qu’il est par exemple indiqué U10f pour Sofia Bellahcene. Eh bien vous avez tout faux, Thomas Ariza n’a en fait remporté que le titre de champion garçon. L’Union Européenne ne décernait alors pas de titres mixtes. Mais s’il avait fallu en attribuer un, il serait allé à Viktoria Radeva, seule première de ce championnat. Pourtant, si l’on disait simplement que Viktoria Radeva a été championne des moins de 14 ans, personne ne penserait qu’elle était effectivement championne « tout court » mais plutôt championne des filles de moins de 14 ans.

Enfin il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les titres et tournois féminins sont avant tout un outil de correction : un moyen de faire accéder les joueuses au haut-niveau dans une situation d’inégalité de genre, et sans attendre l’avènement de l’égalité. Les hommes n’ont nullement besoin d’un tel outil de correction. Créer un titre spécifiquement pour eux, c’est introduire une fausse symétrie, c’est à dire nier l’inégalité prégnante de notre discipline tout en empêchant les femmes d’accéder au titre général, mixte. 

Et à titre personnel, je ne suis guère plus favorable au triptyque « titre mixte + titre garçon + titre fille ». Comme nous l’avons vu, le titre garçon n’a pas de raison d’être, mais en plus le risque est grand que dans le langage courant, « titre mixte » et « titre garçon » deviennent synonymes. (D’autres à E&M préféreraient un titre de « champion-ne mixte » cumulable avec celui de champion garçon ou fille).

En bref, oui à des championnats mixtes, mais il faut garder les titres tels qu’ils sont actuellement : mixte et féminin. Et travailler activement à mettre en œuvre une égalité qui rendra le titre féminin totalement obsolète.

Mais puisque les inscriptions sont déjà ouvertes pour ce championnat, nous demandons à la FFE, au vu de ces arguments, de rajouter un titre de « champion.ne mixte » qui soit cumulable avec les deux autres titres déjà prévus.

Parce que « mixte » ne signifie pas « chez les garçons » ou les Championnats régionaux IDF 2018

Mes amis qui ne jouent pas aux échecs me demandent toujours pourquoi dans certains tournois « les filles et les garçons ne jouent pas ensemble. » En général, c’est dit sur le ton de l’évidence : « il n’y a pas de différence entre le cerveau des filles et des garçons, c’est anormal de les séparer. » Je dois donc expliquer à chaque fois que, d’une part ce ne sont pas « les garçons » qui sont séparés des filles mais qu’il existe une catégorie féminine et une catégorie « mixte » où les joueuses s’inscrivent rarement, et que comme il n’y a que 10% à 20% de joueuses, il y en a moins de haut niveau. Résultat, passé un certain stade, sans compétitions féminines ou règles particulières, les joueuses finiraient par trop se raréfier. Je prends en général pour exemple le fait que Hou Yifan, la meilleure joueuse en activité et seule femme au top 100 mondial, n’y est jamais que 93e.
Il n’empêche que séparer les joueuses et les joueurs aux échecs, ça fait bizarre, même pour moi. Et on a déjà parlé sur ce site des problèmes qui viennent de l’habitude de trop jouer en féminin, notamment dans la formation des joueuses. J’ai donc été très heureuse que la Ligue d’Ile de France décide cette année de faire jouer ensemble les catégories féminines et mixtes lors des championnats régionaux des jeunes. L’idée était qu’il y aurait deux classements, le féminin et le mixte, et que les meilleures joueuses auraient ainsi l’occasion de se qualifier en mixte au championnat de France.

J’ai eu l’honneur d’être membre de l’équipe d’arbitrage, en charge de la catégorie Benjamins.

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[Mise à jour] État des lieux de la mixité dans les championnats jeunes (départements & ligues)

Voici la suite du travail de compilation des résultats des championnats jeunes départementaux et de ligue (petits poussins à minimes) et de France (petits poussins à juniors). Le but est d’avoir une idée de la progression de la mixité sur l’ensemble du territoire. Vous trouverez ces données en suivant les liens suivants : championnats départementaux, championnats de ligue, championnats de France.

Les dernières données récoltées concernent l’année 2016-2017, donc avant que les nouvelles ligues ne prennent le relais. Ce sera très intéressant de voir comment ce nouveau découpage va affecter (ou non) la mixité des championnats jeunes.

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État des lieux de la mixité dans les championnats jeunes (départements & ligues)

Les résultats de ces dernières années des championnats jeunes départementaux, de ligue (petits poussins à minimes) et de France (petits poussins à juniors) ont été compilés à partir des données présentes sur le site de la FFE.

Vous pouvez les télécharger à partir des liens ci-dessous :

Avec ces données, nous espérons nourrir la réflexion et le débat à propos de la mixité des championnats jeunes.

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Et si on arrêtait de se battre ? par Mathilde Choisy

 

J’ai appris à jouer aux échecs en famille durant l’été 1995 avant de rejoindre dès la rentrée 1995 l^A8FC8B81C816247349C98AE58C3FBC1E5AFCFB2CFB7AF2560F^pimgpsh_fullsize_distre club d’Agneaux Saint-Lô. J’ai eu la chance de tomber dans une région où les catégories étaient mixtes lorsqu’il n’y avait pas assez de joueuses et lors de mon premier championnat de Basse-Normandie en février 1996, les petites poussines jouaient avec les petits poussins. J’ai remporté ce championnat, en mixte, et jouer avec les garçons les qualifications départementales ou régionales est devenu une banalité.

J’étais par la suite qualifiée d’office aux championnats de France jeunes tous les ans. Le comité et la ligue m’autorisaient à jouer les championnats qualificatifs soit dans la catégorie féminine au-dessus (j’ai joué une fois en pupillettes lorsque j’étais poussine), soit chez les garçons (c’est arrivé une dizaine de fois). Après avoir gagné plusieurs fois chez les garçons, j’ai d’ailleurs arrêté de jouer les qualifications, d’abord départementales puis régionales parce qu’elles n’avaient plus d’intérêt sportif.

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Une jeune joueuse à propos de la mixité

Courte introduction

Quand j’ai commencé à interroger des joueuses sur la question de la mixité, ce qui m’a frappé, c’est leur réaction très vive au fait que quelqu’un s’intéressait sérieusement à la question. Cela fait moi-même près de quinze ans que j’enrage de cet état de fait et je m’aperçois petit à petit que je ne suis pas la seule.

Deuxième prise de parole dans cette série (après celle de Sophie Aflalo) : celle d’une jeune joueuse préférant rester anonyme. Propos recueillis en juin 2014.

Si des joueuses souhaitent témoigner et donner leur point de vue (nominativement ou anonymement), nous les publierons avec plaisir.

Nous acceptons également les contributions qui ne vont pas dans notre sens. Simplement, dans ce cas, nous nous réservons le droit de publier en même temps une réponse argumentée.

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Sophie Aflalo et la mixité des Championnats de France jeunes

Courte introduction

Quand j’ai soumis ma candidature à la Commission des Féminines en mai 2013, ma lettre de motivation indiquait : « je considère qu’il est primordial de valoriser la mixité et surtout auprès des jeunes, notamment en supprimant les championnats jeunes féminins » au profit de championnats exclusivement mixtes.

Mes opinions en entrant dans cette commission étaient donc on ne peut plus claires. Une fois entrée dans la commission, j’ai interrogé quelques joueuses et animé une soirée de discussion sur le thème de la mixité à l’Open de Sélestat en février 2014.

Suite au compte-rendu de cette soirée à la commission féminine, j’ai reçu de la présidente de la commission la réponse suivante : « Faisons bien attention de ne pas dénigrer les mesures prises par la FFE en faveur des femmes qui sont plutôt bien acceptées par une bonne majorité d’entre elles ! »

Je suis peut-être paranoïaque, mais j’ai quand même un tout petit peu interprété cette réponse comme un refus de toute discussion des mesures actuelles. Les joueuses d’échecs sont têtues : l’objectif n’a pas été abandonné et vous connaissez la suite, la pétition, la fin de non-recevoir de la FFE, la création de l’association, etc.

Aujourd’hui nous publions – avec l’accord des personnes concernées, bien sûr – les propos recueillis : ici ceux de Sophie Aflalo.

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Parcours d’une joueuse d’échecs semi-professionnelle

Après mes études d’urbanisme, j’ai décidé de prendre un temps pour me consacrer exclusivement aux échecs. J’ai donc été semi-professionnelle voire professionnelle pendant presque deux ans. C’est pourquoi je voudrais retracer ici mon parcours et faire partager mon sentiment à propos de la mixité aux échecs.  

J’ai commencé les échecs à 6 ans ; c’est mon père qui m’a appris. J’ai d’abord regardé mon frère et mon père jouer ensemble avec une admiration sans borne. Puis ce fut à mon tour d’apprendre les règles. Peu de temps après mes parents m’inscrivaient dans le club d’échecs d’Ermont, la ville de mon enfance et de mon adolescence. Je me débrouillais franchement bien : après quelques mois d’échecs, j’ai fini 4ème dans un petit tournoi avec les enfants. Ce tournoi était mixte, comme tous les tournois du dimanche organisés pour les enfants. Je finissais très souvent aux places d’honneurs, plusieurs fois première, devant des garçons bien entendu et personne ne s’en étonnait. J’ai même gagné un tournoi en étant surclassée de deux catégories. Les gens venaient féliciter mes parents et quelques entraîneurs s’intéressaient même à moi. Tout commençait donc fort bien.

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