Eux, président(s) ??

                Le débat organisé par le club de Cergy-Pontoise entre les trois candidats à la présidence de la FFE a été un succès car après avoir visionné sa retransmission, plus personne ne peut décemment soutenir que Messieurs P. Dornbusch, S. Escafre et B. Kouatly ont la même personnalité ou exactement le même programme. Les réponses fournies (ou non…) par les candidats aux questions posées mettent en lumière de façon parfois criante des différences profondes, voire fondamentales, entre eux trois. Comme promis, l’association Echecs&Mixte ! vous livre son analyse de ce débat, analyse qui ne couvre pas la partie des questions du public (relayées par internet, papier ou posées par les spectateurs). Par ailleurs, pour ce qui est du débat lui-même, cette analyse critique n’a pas vocation à être exhaustive. Nous n’avons pas opté pour un ordre strictement chronologique, tâchant plutôt de regrouper les réponses par grandes familles de sujets. Comme dans notre commentaire sur les programmes des candidats, les abréviations DO, ES et KO désigneront respectivement Philippe Dornbusch, Stéphane Escafre et Bachar Kouatly. Les guillemets correspondent à des extraits aussi fidèles que possible des interventions des candidats, néanmoins réordonnés pour un souci de cohérence. Pour finir, nous vous proposerons quelques trucs qui devraient, nous l’espérons, aider ceux et celles qui sont encore indécis(e)s à bien voter et bien entendu nous vous conseillons de visionner et revisionner ce débat pour vous faire votre propre opinion.

      L’ensemble de l’association E&M ! voudrait remercier le plus chaleureusement du monde (avec vivats, bouquets de fleurs, youyouyou etc, etc.) Thomas Dauphin, Olivier Billon et tous les bénévoles du club d’échecs de Cergy-Pontoise pour cette magnifique aventure : une organisation parfaite, un rendu très très pro, des discussions off hyper-intéressantes, de délicieuses pizzas, un accueil chaleureux et une opportunité comme nous n’en avions même pas rêvé de participer à l’animation de ce débat.

 

Pourquoi voulez-vous devenir président de la FFE ?

      La première question avait été annoncée aux candidats au préalable, comme les suivantes (mais sauf la dernière) et il semblait assez facile d’y répondre. En effet, si l’on est candidat, il est probable (souhaitable ?!) qu’on se soit posé au moins une fois la question avant de se lancer dans la bataille. C’était sans doute la question la plus personnelle, celle dont on pouvait espérer qu’elle permettrait aux candidats d’exprimer ce qui les fait vibrer et de nous faire partager un élan, une envie, un enthousiasme. A vous de juger si les réponses ont été à la hauteur de ces espérances. Le premier candidat interrogé a semblé un peu crispé dans la posture d’un comptable outré (DO). Le second a décliné son slogan de campagne (ES) selon fédérer (les bonnes volontés), bâtir (une nouvelle fédération) et jouer, qu’il a complété des termes « passion du jeu » et « plaisir ». Le troisième candidat a insisté sur l’objectif commun de sa liste, « donner une impulsion nouvelle à la FFE », grâce à des « personnes passionnées ». Bien plus tard dans le débat, il a rajouté: nous avons « la plus belle discipline, nous le savons tous ».

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Qu’en est-il d’un audit de la FFE ?

       Sur ce point, les divergences sont flagrantes, comme nous l’avions déjà signalé lors de notre analyse des programmes. L’audit est la mesure phare de deux candidats (DO et ES) mais à les entendre, il y a en fait de très nombreuses modalités et coûts associés. L’audit externe peut, parait-il, revenir à « quelques milliers d’euros » ou « être gratuit » voire même rapporter de l’argent puisque le cabinet d’audit prévoit de se payer sur les économies réalisées (DO pour ces trois cas de figure). Un audit interne, quant à lui, pourrait être effectué par un des ministères de tutelle (sport ou éducation nationale) ou par de bénévoles banquiers (ES). Qu’une telle diversité de solutions soit possible est rassurante, sans doute, mais également perturbante et il eut été peut-être judicieux, en cette matière qui ne soufre guère d’approximations qu’est la comptabilité, que l’actuel président de la FFE, qui est candidat, commence par rappeler ce que dit la loi, le code des associations et la jurisprudence, par exemple en profitant des connaissances du juriste de la FFE, histoire de mettre tout le monde d’accord. En profond contrepied avec ces propositions, le troisième candidat affirme vouloir faire table rase du passé, refuse « l’instrumentation politique » de cet audit et prévoit de combler le trou pour repartir sur des bases nouvelles (KO). Cette attitude pourrait être également vue comme une amnistie comptable généralisée qui n’est pas forcément souhaitable ou bienvenue, ce que le candidat reconnait implicitement en accordant que « si la majorité des clubs le souhaite, on fera un audit » (KO). Plus tard dans le débat, cette question de l’argent perdu de la FFE est ressortie de dessous le tapis et a permis aux candidats d’échanger quelques piques. A la question « Où sont les comptes promis pour septembre ? » (KO) il a été répondu (ES) qu’il serait effectivement bien que les comptes soient présentables avant l’élection mais que rien ne pouvait être assuré quant au délai. Enfin, l’antienne de l’audit, cette fois annuel, était entonnée par DO.

 

Comment développer la FFE ?

        Nous tentons ici de résumer en une seule courte question toutes les interrogations qui ont été adressées aux candidats, soit individuellement, soit à tous les trois en même temps, sur la problématique essentielle du développement de la FFE. Les candidats ont proposé des réponses à différents moments du débat, que nous nous efforçons ici de présenter de façon ordonnée.

       L’augmentation du nombre d’adhérents est souhaitée par les trois candidats. Les scolaires représentent « la porte royale » pour le développement de la FFE et c’est pour cette raison qu’une convention est signée avec l’UNSS (sport scolaire) et le sera bientôt avec le ministère de l’éducation nationale, dans le but « de faire intervenir des animateurs dans le temps scolaire, afin de pérenniser des emplois » (ES). Les animateurs doivent être « des relais » entre le temps scolaire et les clubs, afin de diriger les nouveaux adhérents vers la compétition en club (ES). D’autres pistes sont évoquées rapidement par ES, tels les vétérans, les animations en centre commerciaux etc. Tout au contraire, pour KO, si la FFE stagne en nombre d’adhérents, c’est justement parce qu’elle s’est jusqu’ici focalisée uniquement sur les échecs de compétition. Ainsi, outre le scolaire d’initiation, qui doit effectivement être développé, il existe un « gisement considérable dans les échecs de loisir » (KO). Il faut attirer les gens (les enfants, les familles) mais aussi les villes, grâce à des animations géantes, par exemple « dans les centres de vacances » (KO). Bien que DO acquiesce que le développement de la FFE ne passera pas par l’élite, il propose, à l’inverse des deux autres candidats, de se focaliser sur l’initiation des jeunes via les technologies numériques gratuites. Une fois l’offre de jeu ouverte, « certains joueurs viendront naturellement vers les clubs » (DO).

         On voit donc que les trois candidats prévoient une action volontariste mais passant par des canaux bien différents : le tout numérique qui poussera certains joueurs dans les clubs (DO), l’école avec ses horaires imposés pour baliser le passage vers la compétition en club (ES) ou le loisir pur des centres de vacances pour faire masse (KO).

 

Comment médiatiser les échecs ?

    Avant de résumer les positions des trois candidats, il nous semble important de préciser une définition. D’après Wikipédia, la médiatisation désigne la publicité faite autour d’une idée, d’une organisation ou d’une personne, par les médias.

     De ce fait, le site de la FFE est considéré « comme un outil surtout interne », qui n’a donc rien à voir avec la médiatisation (KO). Cette dernière viendra lorsqu’un public averti aura été créé, non pas trop en misant d’abord sur des événements exceptionnels mais bien plus surement par le travail effectué sur les scolaires et le loisir (KO). Pour attirer le public, DO, qui estime également que les événements exceptionnels ne sont pas le meilleur moyen, suggère la presse, la télé et surtout internet, qui doivent être investis « quotidiennement ». Enfin, ES qui a quelques « réticences » à propos d’internet pour amener les joueurs dans les clubs estime que c’est en revanche « le moyen idéal pour la médiatisation », en utilisant l’effet de modèle offert par les joueurs de haut niveau, Maxime Vachier-Lagrave en tête mais aussi « tous les membres de l’équipe de France » (ES).

    Là encore, on voit bien se dessiner des lignes de fractures nettes entre les candidats. Les actions de masse tournées vers le loisir proposées par KO ne peuvent probablement pas conduire à des prises massives de licences A mais devraient rendre les échecs, et partant, la FFE, visibles aux yeux de la société civile et de l’état. Pour DO, il faut offrir un accès gratuit au jeu et espérer que les joueurs devenus accros rejoindront les clubs. Enfin, pour ES, l’outil internet doit monter en épingle l’élite échiquéenne et les grand événements, comme par exemple les championnats de France, donc en visant, in fine, la compétition telle qu’elle se pratique actuellement à la FFE.

 

Ne trouvez-vous pas que ça manque de femmes, à la FFE ? 

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      Pour la question surprise qui avait été promise aux candidats, et qui intéresse directement E&M !, nous reprendrons une accroche goguenarde de Plantu, en vue de détendre un peu l’atmosphère. Cette question mystère n’en était pas vraiment une, puisque la participation de E&M ! à l’animation du débat avait été clairement annoncée. Ainsi, on aurait pu espérer des candidats qu’ils préparent un peu leur discours. A entendre certaines des réponses, il est permis d’en douter.

       Le premier candidat interrogé sur cette question lance une phrase qui fait mouche : « Chez moi, c’est mixte » (DO). Voilà qui est indiscutablement bien tourné et bien trouvé même si on pourrait répliquer que c’est mixte dans bien des foyers depuis des générations et que jusqu’à présent, ça n’a pas vraiment résolu la question. Après avoir (re)précisé « J’ai une GM à la maison », DO fait des propositions qui sont plutôt des déclarations de bonnes intentions sans réelles réflexions sur le sujet : « sanctionner tout fait de machisme » (dans les clubs) est déjà une préoccupation de la justice et « trouver le moyen de retenir les filles dans les clubs » c’est très bien, nous approuvons entièrement, encore faudrait-il dire comment on compte y arriver. Le deuxième candidat interrogé commence par rappeler qu’en termes de licenciées, la FFEchecs se trouve dans la moyenne des autres fédérations sportives unisport, si l’on exclut la FFEquitation (environ 80,6% de F), la FFFoot (environ 2,7% de F) et la FFRugby (4,4% de F)[1] (KO). De notre point de vue, cette constatation, parfaitement exacte, ne doit pas être un alibi pour esquiver le problème. Le candidat abonde dans le sens de l’association quant à la prégnance de phénomènes culturels comme raison de la disparité entre F et H aux échecs (KO). Le troisième candidat, quant à lui, fait un si beau lapsus (du moins espérons-nous que c’est un lapsus ?!) qu’il suffit à lui seul, nous semble-t-il, à résumer sa position sur la question : « j’ai le même souci que mon voisin, ma compagne est beaucoup plus forte que moi » (ES). (C’est E&M ! qui souligne, en estimant qu’il n’est pas la peine d’en rajouter).

 

Comment bien voter ?

Il n’est pas dans l’intention de E&M ! de lancer un mot d’ordre de vote mais de fournir aux indécis quelques pistes de réflexions générales pour les aider à faire leur choix. Les programmes et le débat ont mis à nu des options très tranchées, souvent en opposition d’un candidat à un autre mais quelques fois convergentes. De ce fait, il serait très surprenant que toutes les options prises par un et un seul des candidats vous enthousiasment, alors que vous rejetteriez en bloc toutes les autres lignes des deux autres candidats. Quand bien même les options des trois têtes de liste sont claires, cela ne facilite donc pas la vie du votant. Voici par conséquent quelques suggestions :

  • Pour chaque liste, cochez avec trois couleurs différentes les candidats que vous estimez (en vert), ceux que vous ne supportez pas (en rouge) et ceux dont vous ignoriez jusqu’à l’existence il y a peu (en gris) et comparez la signature colorée issue de cette méthode pour les trois listes, en tenant compte de l’ordre car la place dans la liste conditionnera pour beaucoup la présence au CD ou pas.
  • Même méthode pour les points phare du programme pour la FFE, éventuellement non pas celui des candidats mais celui que vous auriez aimé lire.
  • Appliquez le critère du moindre regret pour vous décider : quelle liste regretteriez-vous le plus de ne pas voir représentée au CD ?

 

 

Bon vote (et vive la FFE) !

 

Isabelle Billard

[1] Pour une étude complète, voir l’enquête du sénat : http://www.senat.fr/rap/r10-650/r10-65032.html

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