Résumé du livre « Les femmes ne sont pas faites pour courir ». Sur les discriminations sexistes dans le sport, Patrick Boccard. Égale à égal.

Un peu par hasard, dans une belle librairie du Vieux Nice, je suis tombée sur ce petit bouquin. Je ne connaissais pas l’auteur mais je me suis décidée à l’acheter quand même. Je vous retranscris ici les grands axes de cet essai que je vous encourage à consulter si vous en avez l’occasion. Il a l’avantage d’être court et clair et de donner quelques chiffres qui nous seront sans doute de grande utilité au moment de les confronter aux données échiquéennes. 

 

« Les femmes ne sont pas faites pour courir », c’est sur cette affirmation tirée de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau que l’auteur débute sa réflexion sur la représentation des femmes dans le sport et sur les formes que peut prendre la discrimination liée au sexe dans le sport.

Inutile de dire que le paysage actuel de la pratique sportive féminine est loin d’être idyllique malgré une tendance à une plus grande représentation des femmes dans le sport. On dénote une sous et une surreprésentation des femmes dans certaines disciplines sportives : des activités comme l’équitation, la gymnastique ou la danse sont très nettement préférées par les femmes alors qu’elles désertent les terrains de foot ou de rugby. D’autre part, hommes et femmes ne puisent pas leur motivation à la même source puisqu’il semblerait que les femmes tendent à faire du sport plutôt pour entretenir leur corps alors que les hommes recherchent plus souvent l’aspect compétitif. Enfin les jeunes filles entre 14 et 20 ans abandonnent plus systématiquement les activités sportives que les garçons du même âge (une tendance que l’on avait remarquée également aux échecs). Cependant le tableau n’est pas entièrement noir puisque 87% de la population féminine de 15 ans déclare avoir pratiqué une activité physique ou sportive au cours des 12 derniers mois (contre 91 % pour les garçons). En 2013, les femmes ne représentent que 37% des licenciés sportifs, chiffre qui peut paraître assez faible, mais elles n’étaient que 13% en 1960 et 30% 1980. L’organisation sportive ne manque pas à la règle de la sous-représentation des femmes, puisque les hommes briguent les fonctions d’élus et de techniciens laissant en grande majorité aux femmes les tâches administratives. Enfin, parmi les 283 000 personnes ayant un emploi à temps plein ou à temps partiel dans le secteur sportif, seuls 40 % des emplois sont occupés par des femmes.

L’auteur met en parallèle l’accès croissant au sport par les femmes avec l’évolution de leur place dans la société. Le sport a longtemps été une des chasses gardées des hommes d’où les femmes étaient complètement exclues, autant en tant que pratiquantes qu’en tant que spectatrices. Ainsi, le sport a longtemps été interdit aux femmes pour des raisons de bienséance (le corps de la femme était réservée à la procréation et ne pouvait ni s’exhiber au regard de tous, ni se dégrader par la pratique d’une activité physique). Seules les activités sportives « qui la laissent entièrement femme » (Jean Martin Charcot) comme la chasse, le golf ou le tennis étaient vaguement autorisées. Ce n’est qu’en 1900 que les femmes ont le droit de participer aux JO de Paris où elles représentent 22 des 1000 compétiteurs. À partir de cette date, de plus en plus d’exploits sportifs féminins éclatent au grand jour (traversée à la nage de la Manche en 1926 par Gertrude Ederle) et les clubs sportifs féminins se multiplient. Dans les années 30, elles sont pourtant à nouveau ridiculisées et renvoyées à certains sports que les hommes considèrent comme adaptés à leur morphologie (danse, gymnastique rythmique, basket). À partir des années 60, l’activité physique et sportive devient obligatoire à l’école et les femmes commencent à prendre une place plus importante dans les clubs. Dans les années 80 apparaît cette tendance au sport-minceur relayée par les médias et par la publicité. Cependant, la question des femmes et du sport prend peu à peu une place importante dans les débats de la sphère politique (grâce à Françoise Giroud, secrétaire d’État à la condition féminine ou encore  Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des sports) mais aussi grâce au mouvement féministe dans les années 70 et aux études de genre initiées dans les années 80.

Cependant les stéréotypes persistent et femmes et hommes continuent à reproduire des attitudes genrées. Dès le plus jeune âge, les enfants sont portés vers une activité plutôt qu’une autre et les adolescents « se soumettent à la norme véhiculée par les médias et la publicité, qui définit le féminin et le masculin ». Même à l’école ou la mixité est de mise, on tend à ne pas attendre les mêmes résultats des jeunes filles que des jeunes garçons et on autorise également un plus grand absentéisme chez ces premières.  Récemment d’autres questions brûlantes sont venues se superposer : les violences physiques et sexuelles perpétrées sur les jeunes compétitrices éclatent au grand jour. D’un autre côté, des femmes aux résultats particulièrement spectaculaires sont accusées d’hermaphroditisme (-sic- !) et soumises à des tests de féminité. La violence morale de ces tests (et physique puisque certaines femmes ont dû se soumettre à des opérations chirurgicales pour rentrer dans une des deux catégories) pose la question de l’importance du genre dans la société actuelle et la nécessité absolue de correspondre à une identité sexuée bien définie. Les femmes ne correspondant pas aux stéréotypes de leur genre sont insultées et priées de faire savoir leur véritable sexe sous peine d’être disqualifiées.

Outre cela, la surreprésentation des compétitions sportives masculines dans les médias, les propos machistes dans les commentaires, la sexualisation exacerbée de la tenue sportive (mini-jupe au tennis, bikini au volley) et les différences notables de rémunération entre femmes et hommes prouvent qu’il reste un long chemin vers la démocratisation du sport.

Heureusement, les mentalités évoluent au rythme des performances des femmes. Il semblerait que l’écart des performances entre hommes et femmes se soit stabilisé aux alentours de 10 %. La loi-cadre sur l’égalité femmes-hommes votée en 2014 prétend en terminer avec l’iniquité entre hommes et femmes à toutes les échelles sportives (autant organisationnelles que compétitives) accompagnée d’un programme de lutte contre les stéréotypes. L’éducation à la mixité est également au programme : on trouve désormais des entraîneures (et non « entraîneuses », mot qui porterait à confusion) et des arbitres au plus haut niveau de la compétition et cela dans plusieurs disciplines autrefois totalement fermées aux femmes (hand-ball, football). Des associations s’investissent également dans cette voie: Femix Sports (association à laquelle nous souhaiterions adhérer dès à présent), Liberté aux Joueuses qui lutte contre « la conspiration des stéréotypes », le blog Sportissima, le magazine les Nouvelles News… tout comme le gouvernement qui a mis en place « un ABCD de l’égalité » pour le sport scolaire.

Cette recherche de la démocratisation dans le sport passerait notamment par « la possibilité pour chacune de construire sa propre identité, libérée des normes archaïques ». L’auteur propose ainsi un certain nombre de mesures qu’il considère comme essentielles pour arriver à ce but ultime: la parité obligatoire des professeurs d’EPS comme c’était le cas en 1984, un contrôle des dispenses pour les filles, un label pour les clubs et associations qui retiennent le plus de filles notamment à l’adolescence, un soutien financier de l’État et des collectivités en priorité aux projets et aux associations qui soutiennent la mixité, offrir aux filles et garçons une carrière sportive équitable, des rémunérations égales à celles des hommes et enfin responsabiliser les médias.

Mais comme il le conclut avec justesse, « prendre en compte le genre dans la politique du sport, introduire plus de mixité supposent de revoir l’ensemble des pratiques et des organisations. », et on en est encore bien loin…

 

Quant aux échecs…

Comme vous pouvez le remarquer, les échecs ne sont évoqués à aucun moment dans cet ouvrage. Quelle surprise aurait-ce été pour l’auteur, s’il s’était penché sur cette discipline sportive atypique ! Là où la mixité pourrait (devrait ?) être de mise et incontestable, elle est quasiment inexistante. Comment justifier cet état de fait alors que le gouvernement comme la société civile se battent pour l’égalité entre hommes et femmes dans le sport? Les échecs sont donc le paradigme d’une société encore inégalitaire qui a du mal à faire le pas vers la modernité.

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