Fin janvier 2016, j’avais effectué un compte-rendu partiel de la phase ligue de la Nat.IIF. Il était partiel en ce sens qu’à cette date, plusieurs résultats de matches n’étaient pas encore publiés sur le site de la FFE si bien qu’il m’était impossible, par exemple, de fournir les chiffres exacts de participation. J’avais promis de compléter ce premier compte-rendu dès que possible mais le temps passe et, plus de quatre mois plus tard, la phase interligue a eu lieu, les équipes promues en Nat.IF sont connues mais je désespère malgré tout de pouvoir être parfaitement exhaustive quant aux résultats. Voici donc un bilan chiffré au mieux des informations dont je dispose au 20/06/2016 et sauf erreur de ma part.
La FFE est constituée de 31 ligues mais, en consultant la page de résultats de la FFE pour la phase ligue, on s’aperçoit que pas moins de 10 ligues manquent à l’appel : Auvergne, Corse, Franche-Comté, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie et Réunion. En l’absence même de leur mention, je considère qu’aucune équipe n’était inscrite et que, de fait, la compétition n’a même pas eu lieu. Par ailleurs, curieusement, pour la ligue de Bourgogne, qui est dûment référencée sur la page de résultats, il n’y a aucune mention d’équipes, de résultats ou de qualifications. Je n’ai aucune explication à ceci mais cela ne m’empêche pas de constater que 11 ligues sans résultats sur 31, ça fait tout de même 35% de non-participation des ligues. L’adhésion libre et spontanée à cette compétition n’est pas flagrante.
J’ai dénombré 81 clubs pour 96 équipes ayant joué en phase ligue [1]. Parmi ces clubs, 21 [2] étaient obligés de participer selon le règlement, soit légèrement plus du quart des clubs. Typiquement, le club obligé (saison 2015/2016) d’aligner une équipe en Nat.IIF a une équipe en Nat.I-tout-court (17 clubs sur 21 concernés) et, évidemment, pas d’équipe en Nat.IF ou Top12F [3]. Rappelons que l’obligation de présenter une équipe en interclub féminin pour les clubs ayant une équipe en Nat.I-tout-court date de cette saison. Ceci veut donc dire que sur les 81 clubs présents cette année, 17 le sont suite à l’évolution du règlement. Toutefois, obligés ne veut pas dire « petit nouveau désigné volontaire d’office ». En effet, sur ces 21 clubs, 11 avaient déjà une équipe à au moins un niveau des interclubs féminins la saison précédente (Chalons, Corbas, Echiquier Niçois, Drancy, Gonfreville l’Orcher, Grasse, Grenoble, La Membrolle sur Choisille, Montpellier, Mundolsheim et Toulouse CEI) et pour ce que j’en sais, et sans avoir fait un relevé complet des saisons disponibles sur le site de la FFE, certains dans cette liste sont des abonnés aux interclubs féminins. En tant que moyen d’introduire de nouveaux clubs dans la compétition, l’obligation est donc peu efficace.
Pour ces obligés, volontaires ou pas, l’obligation change-t-elle quelque chose à leur façon de fonctionner ? Si l’on examine les indications de mutations pour les 21 clubs concernés par le changement de règlement, on constate bien quelques joueuses mutées de (très) bon niveau (Silvia Collas, 2308, rejoignant Nice Alekhine, Maha Eid, 2041, se licenciant à Tremblay, Cécile Haussernot, 2090, mutant à l’Echecs Club Montpellier et Adeline Uta, 2118, adhérant à l’échiquier Niçois) ainsi que d’autres joueuses s’étageant de presque 2000 à 1240 mais globalement, il n’y a là rien que de très normal. Ces fortes joueuses mutées n’ont d’ailleurs pas joué en Nat.IIF, mais en Top12-tout-court (Silvia Collas et Cécile Haussernot) ou en Nat.I-tout-court (Claire Hourlier, Claire Terrazzoni et Touatia Brih). La seule dont on pourrait supposer qu’elle a été recrutée spécifiquement en vue de l’équipe de Nat.IIF à constituer est Adeline Uta mais ce n’est clairement qu’une supposition qui, d’ailleurs, ne serait nullement choquante. Inversement, je n’ai dénombré que 26 joueuses de ces équipes de clubs obligés n’ayant pas d’archives à la FFE et que l’on peut donc qualifier de « petites nouvelles dans le monde des échecs ».Parmi elles, il y a 2 vétéranes, 11 séniors et 13 jeunes, de petite poussine à cadette. Après un examen attentif des équipes, aucune ne semble être composée majoritairement de « fausses joueuses » recrutées en catastrophe dans la rue et licenciées la veille de la rencontre uniquement pour éviter la sanction de relégation. Conclusion : l’obligation réglementaire n’a pas poussé les clubs à une campagne de recrutement frénétique par « pompage » des joueuses d’autres clubs, ce qui est heureux, ne les a pas acculés à une certaine forme de triche par recrutement anti-sanction, ce qui est tout aussi heureux, mais ne les a pas non plus convaincus de faire une campagne de publicité à outrance auprès de leurs jeunes joueuses nouvellement inscrites de l’année. En d’autres termes, les clubs obligés ont majoritairement fait « avec les moyens du bord », ni plus, ni moins, c’est à dire en utilisant leur fond de roulement de joueuses.
Pour ce qui est de faire un bilan détaillé des matches de la phase ligue, j’y ai malheureusement renoncé à cause d’un « petit détail technique » très pénalisant : la présence de compétitions selon le système Molter pour 6 équipes, réparties 3 et 3 dans les groupes baptisés « Aquitaine Molter » et « Bretagne Molter » sur le site de la FFE. Allez voir par vous-même, la fiche de résultat n’a ni queue ni tête, car le format n’est tout simplement pas adapté à ce système de rencontre. Les responsables de groupe font de leur mieux mais enfin, je suggérerais volontiers à la FFE de mettre au point un mode de présentation compatible avec le Molter, histoire de ne pas laisser croire que les rencontres en Molter, et donc en particulier les interclubs féminins, ne sont pas suffisamment intéressantes pour mériter qu’on affiche lisiblement les résultats.
Si on passe à l’étude de la phase interligue, il devient franchement compliqué de comprendre les résultats au premier abord. En se basant sur les résultats affichés en pages « phase ligue » je compte 39 équipes qualifiées, en supposant que pour la ligue de Lorraine, seule l’équipe classée première (sur les deux équipes ayant participé) est qualifiée, ce qui n’est pas indiqué (mais est compatible avec le règlement). En revanche, si l’on se réfère aux pages interligues, surprise, il n’y a plus que 37 noms d’équipes mentionnés mais surprise-surprise, 5 équipes ont purement et simplement « disparu » entre les deux phases (Bernot, Cappelle la Grande, Carquefou Echecs, Gonfreville l’Orcher et Tour Aycelin Narbonne) tandis que 3 équipes apparaissent : Roubaix, Montpellier et Mouy Escames et Songeons (39-5+3 = 37, le compte y est). De façon incompréhensible pour moi, Roubaix et Montpellier, indiquées comme éliminées en phase ligue réapparaissent, mais finalement, comme elles font forfait, ça ne change pas grand-chose dans la pratique même si d’un point de vue du principe, c’est plus que discutable. Aucune explication en revanche pour Mouy Escame et Songeons. J’aimerais tout de même bien qu’on m’explique à quoi sert une phase qualificative si des équipes éliminées ou non inscrites précédemment peuvent jouer le tour suivant. Parmi les équipes qualifiées et mentionnées, je compte également 4 forfaits (Echiquier Limousin, Echiquier Vaucluse, Grenoble, Surgères), ce qui monte à 6 le nombre des forfaits, n’épiloguons pas.
En fait, le plus intéressant vient des 5 équipes inscrites et qualifiées en phase ligue et qui ont « disparu » en phase interligue. Selon moi, ces équipes ont tout simplement suivi le règlement de l’année, qui stipule (je cite mais c’est moi qui souligne) :
« Les clubs du Top12 et des Nat.I doivent avoir au moins une équipe féminine engagée en championnat de France féminin des clubs. Elle devra participer au moins à la moitié des matches de sa division. » (Livre FFE, texte voté en CD le 21/06/2015, article 1.3, section champ. France des clubs).
Il se trouve que trois matches en phase ligue plus trois matches en phase interligue, ça fait 6… Bref, si une équipe a joué les trois matches de la phase ligue, elle a bien joué « au moins la moitié des matches de sa division » et par conséquent, elle n’est pas obligée de se présenter à la phase interligue à laquelle elle aurait été qualifiée et ce sans devoir fournir d’explication. Autre avantage, elle ne paiera pas l’amende de 50 € prévue par le règlement pour forfait. Devant la difficulté à rassembler une équipe de joueuses motivées pour le dimanche 8 mai, date de la majorité des matches d’interligue, certains clubs auraient-ils « bêtement » appliqué un règlement que pour le coup, je qualifierais de très mal ficelé ? Au total, 6 forfaits plus 5 équipes qui s’évanouissent dans la nature, cela fait 11 équipes sur 39 (ou 37, comme vous voudrez) qui n’ont pas joué l’ensemble des matches prévus. Je vous laisse méditer.
Plus encore, peut-on m’expliquer à quoi rime une compétition semi-obligatoire dont les parties ne sont pas homologuées, qui voit des clubs non qualifiés ou pire, non-inscrits en phase ligue présents en phase interligue, et qui est finalement jugée si peu intéressante par les instances qu’on peut n’y participer qu’à moitié ? Franchement, est-ce avec ce genre de compétition qu’on espère convaincre les femmes qu’elles sont considérées à la FFE « comme tout le monde» ?
Isabelle Billard
[1] Si l’équipe est constituée d’une entente, j’ai compté UNE équipe et UN club.
[2] Cappelle la Grande, Chalons, Cherbourg-Octeville, Corbas, Drancy, Echiquier Club Montpellier, Echiquier Niçois, Erdre, Grand Quevilly, Grasse, Gonfreville l’Orcher, Grenoble, La Membrolle sur Choisille, Le Vésinet, Lisieux, Mundolsheim, Nice Alekhine, Noyon, Toulouse CEI, Tremblay, Villejuif.
[3] Les 4 autres obligés ont une équipe en Top12-tout-court et, de même, pas d’équipe en Nat.IF ou Top12F.