Le 13 janvier 2021,
Nous avons écrit aux candidats au Comité Directeur de la FFE (la liste menée par Bachar Kouatly, la liste « Unité » menée par Joël Gautier et la liste « Ouverture » d’Éloi Relange) pour connaître leurs propositions pour le secteur féminin et leur donner les nôtres. Nous publierons leurs réponses lorsqu’elles qu’elles nous arriveront.
Chers candidats au Comité Directeur de la FFE,
Je vous écris en tant que présidente de l’association Échecs et Mixte ! Maintenant qu’après un loooooong feuilleton l’élection au Comité Directeur de la FFE semble définitivement fixée au 3 avril 2021, notre association aimerait connaître vos programmes respectifs en ce qui concerne le secteur féminin. J’imagine qu’après les différents reports de date, les listes menées par Bachar Kouatly et Éloi Relange ont pu élaborer un programme, celle de Joël Gautier sans doute aussi, mais, à l’heure où j’écris, je ne trouve sur aucun de vos sites internet (quand ils existent) vos projets pour ce secteur.
Quels sont vos projets pour le secteur féminin ?
Je ne doute pas que la féminisation des échecs vous tient à cœur : les effectifs de la FFE ont besoin de se féminiser, cela afin que plus de femmes puissent découvrir le monde des échecs, que les joueuses puissent se sentir bien dans cette fédération, et qu’elles puissent développer au mieux leurs capacités. À Échecs et Mixte ! nous sommes persuadé-e-s que vous voulez tous que les échecs cessent d’être un bastion masculin pour devenir un univers mixte où les femmes et les hommes seront à l’aise. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de connaître vos projets concrets pour ce secteur, et même – pourquoi pas ? – de lire des engagements chiffrés. Nous aimerions aussi savoir ce que vous comptez faire des projets qui existent déjà, et nous vous proposons aussi des mesures qui, nous le pensons, peuvent améliorer la mixité de notre sport.
Comptez-vous appliquer le plan de féminisation actuel de la FFE ?
J’utilise à dessein l’expression « secteur féminin ». En effet, autant je suis contre le ridicule substantif « féminine » qui doit tout simplement être remplacé par « joueuse » ; autant je n’utiliserais pas l’expression « secteur des joueuses ». Car les femmes, dans le monde des échecs, ne sont pas que des joueuses, mais aussi des présidentes de club, des entraineures, des animatrices, des arbitres… Et toutes ces fonctions, quand on est une femme dans un milieu d’homme, peuvent être plus compliquées. C’est pourquoi, à Échecs et Mixte !, le plan de féminisation de la FFE nous avait enthousiasmé-e-s en 2019 avant que nous soyons extrêmement déçu-e-s de voir qu’il n’était pas appliqué (aucune trace d’un séminaire ou de récompenses pour les présidentes de club, parité à retardement pour l’arbitrage des grands événements obtenue seulement pour les championnats jeunes 2020 et pas appliquée sur les événements en ligne durant les confinements…) Que vous soyez sur une liste ou une autre, que comptez-vous garder et appliquer de ce plan de féminisation ?
Nous avons des propositions, les voici :
Concernant la règle dite « de la féminine obligatoire en Nationale », nous avons depuis 2015 une proposition alternative qui est un quota de joueuses sur l’ensemble des parties jouées sur une saison en National-Régional-Départemental. Concrètement, cela revient à compter le nombre de parties jouées par un club dans ces divisions (Nombre d’échiquiers x nombre de matchs = nombre de parties) et à appliquer un coefficient pour qu’un pourcentage minimum de joueuses joue ces parties, à leur niveau.
Par exemple : un club a une équipe en Nationale III (8 rondes x 8 joueurs = 64 parties) et une autre en Régional (6 rondes x 5 joueurs = 30 parties). Cela fait donc 64 + 30 = 94 parties. Si on demande à ce que, au minimum, 12,5% des 94 parties soient assurées par des joueuses (soit 1/8e), cela fait 12 parties à leur faire jouer. Ce qui pourrait être réalisé avec deux joueuses sur toute la saison en Régional et aucune en NIII, ou une en NIII sur les huit parties et une en Régional sur quatre parties, ou toute autre répartition qui assure que 12 parties au moins seront jouées par des femmes sur la saison… Le pourcentage de joueuses peut être adaptés au nombre d’inscrits dans un club.
Afin que chaque club sache où il en est au cours de la saison, un outil pourra comptabilisersur le site de la FFE, dans l’espace club, toutes les parties jouées avec un code « F ». Et ceux qui ne respecteront pas cette obligation pourront être pénalisés les saisons suivantes. Cela permettra de faire jouer les femmes à leur niveau, et évitera de leur demander de venir pour rendre service plutôt que pour leur plaisir. Elles ne seront plus là pour « éviter le -1 », mais elles pourraient être joueuses à part entière, et notamment exercer plus souvent le capitanat d’une équipe (comment voulez-vous être capitaine quand vous êtes le « bouche-trou » d’une équipe de NII où tous les joueurs ont 300 points de plus que vous ?) Nous souhaitons connaître votre avis sur cette proposition, et savoir si vous comptez la mettre en œuvre car elle nous semble particulièrement importante pour l’accès à la compétition de nouvelles joueuses.
Nous ne sommes cependant pas opposé-e-s à garder l’obligation d’avoir une joueuse par équipe en top12, si une commission du haut niveau féminin – en concertation avec l’élite féminine – estime que c’est une mesure adéquate pour favoriser tant leur progression sportive que leur situation économique. À ce propos, que comptez-vous faire pour sécuriser l’entrainement des joueuses de haut niveau les plus fortes ou les plus prometteuses ? Certaines joueuses de haut niveau vont souvent choisir de jouer le National Féminin aux championnats de France pour des raisons financières, parce qu’elles sont invitées par la FFE, alors qu’elles préféreraient peut-être jouer l’Accession, un tournoi plus compétitif, avec des adversaires qu’elles connaissent moins, et qui peut leur ouvrir les portes du National Mixte. Est-ce qu’il y aurait la possibilité de transformer une partie des prix du National féminin en une allocation qui permettrait de laisser le choix aux joueuses du tournoi qu’elles désirent vraiment jouer l’année suivante ? Ou d’inviter quelques joueuses à jouer l’Accession, dans les mêmes conditions que le National féminin ?
Par ailleurs, les joueuses de haut niveau ne doivent pas être cantonnées aux tournois féminins lorsqu’elles veulent tenter de faire des normes. Les tournois fermés, où joueurs et joueuses peuvent réaliser des normes de MI, GMI… pourraient avoir une aide de la FFE à condition d’avoir comme participantes une ou plusieurs joueuses françaises.
Qu’en pensez-vous ?
Que comptez-vous faire pour aider les joueuses qui sont étudiantes à continuer à s’entrainer ? Beaucoup de joueurs et encore plus de joueuses abandonnent les échecs au moment de débuter leurs études. Certaines écoles et universités permettent pourtant à ceux et celles qui sont sportifs de haut niveau d’aménager leur emploi du temps dans ces années qui comptent tant dans la carrière d’un sportif. Pourrait-on avoir une liste de ces établissements ? Comptez-vous promouvoir les partenariats avec eux ?
Enfin, vous le savez, Échecs et Mixte ! a toujours soutenu l’idée de faire jouer filles et garçons ensemble aux Championnats Jeunes, de l’échelon départemental au championnat national, avec double classement (mixte et féminin). Cela afin que les filles jouent à leur vrai niveau, qu’elles s’habituent à des tournois plus compétitifs, et que les garçons découvrent qu’elles sont des adversaires à part entière et non des « féminines ». Plusieurs ligues appliquent cela depuis des années, aucune ne s’en est effondrée. Faire jouer tous les jeunes d’une même catégorie dans le même tournoi est depuis longtemps une nécessité pour améliorer le niveau des jeunes joueuses. Vous y engagez-vous ?
J’espère avoir bientôt vos réponses à ces questions et connaître votre programme en ce qui concerne le secteur féminin. À Échecs et Mixte !, nous souhaitons pouvoir publier vos différentes réponses au plus tard aux alentours du 17 février 2021 : nous fêterons les six ans de l’association, ce sera une bonne occasion d’avoir une idée de l’avenir de la mixité dans notre fédération. Et cela sera suffisamment tôt pour laisser aux lecteurs du site le temps d’évaluer vos programmes. Nous sommes prêt-e-s à parler de nos propositions, à échanger sur les vôtres. Nous attendons vos retours avec impatience et curiosité.
En attendant, je vous envoie, au nom d’Échecs et Mixte !, nos meilleurs vœux de mixité et de projets réalisés pour cette année 2021.
Sonia Bogdanovsky,
Présidente de l’association Échecs et Mixte !