Souvent femme varie, bien fol(le) qui s’y fie

Cette célèbre phrase d’un macho avant la lettre, le galant (et coureur de jupons) François Ier (merci à ceux et celles qui ont signalé mon erreur d’attribution de ces deux vers!) qui me sert de titre est malheureusement parfaitement en adéquation avec l’actualité « féminine » de la FFE.

Il ne vous aura sans doute pas échappé que samedi 30 octobre 2020, en matinée, a eu lieu l’AG de la FFE. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur les résultats détaillés, je voudrais simplement disséquer un des rapports soumis au vote, celui de la DNEF (Direction Nationale des Echecs Féminins), que vous pouvez télécharger ici.

Commençons par quelques précisions sur la période concernée par les rapports soumis aux votes et les moments où ces différents rapports ont été bouclés. Il fut un temps où l’AG était prévue le 6 juin 2020, ce qui a naturellement conduit les directions nationales et les commissions techniques à préparer leurs rapports pour cette date. Par la suite, pour cause de pandémie, la date du 6 juin a été repoussée au 26 septembre et finalement, l’AG a eu lieu le 30 octobre. Si l’on regarde le bandeau bleu placé en haut de page des rapports, ils sont tous datés du 26 septembre 2020 et couvrent statutairement l’année calendaire 2019, pendant laquelle le covid 19 n’a pas sévi. Toutefois, le rapport moral a été complété en 2020, notamment pour parler de l’impact de la pandémie, ce qui est parfaitement normal et il semble que la dernière modification du rapport moral se situe entre le 6 juin et le 26 septembre 2020. Dans le rapport financier, le bilan couvre l’année calendaire 2019 tandis que le budget prévisionnel a naturellement été révisé suite au COVID qui a beaucoup changé la donne mais, apparemment, ces révisions ont été arrêtées au 31 août 2020. Ainsi, tous les rapports soumis au vote portent sur l’année calendaire 2019 mais des modifications ont pu être apportées au moins jusqu’à fin août 2020 à ces textes.

Il n’y a pas de trame officielle pour rédiger un rapport de Direction Nationale, ce qui fait que ce qui doit s’y trouver ou pas est affaire de sentiment personnel. De mon point de vue, il est important d’y trouver un récapitulatif des résultats sportifs nationaux concernant les femmes mais un tel rapport doit aussi et surtout faire le point des actions menées durant l’année calendaire concernée, ainsi que des projets enclenchés ou poursuivis. Il serait également de bon ton qu’un bilan des engagements précédemment pris soit présenté, que ces engagements aient été suivis d’effet ou pas. Toujours de mon point de vue, un petit bilan moral, affichant un peu de hauteur de vue, ne serait pas de trop en conclusion.

Venons-en aux 5 pages qui constituent le rapport de la DNEF. Je compte au bas mot la moitié du document pour rappeler les résultats sportifs, soit 2 pages et demi sur 5. Ceci est nécessaire et il ne s’agit pas de réduire cette partie en omettant des résultats mais, par comparaison, la part dédiée à autre chose qu’une simple comptabilité minutieuse des faits sportifs apparaît plutôt chiche alors que ce serait le lieu où s’exprime l’âme de ce que devrait être la DNEF, bref tout ce qui demande de l’implication, de la volonté, de l’engagement. Concentrons-nous maintenant sur les deux pages et demi du début de rapport, qui démarrent par un excellent premier paragraphe (toutes les citations de ce rapport, du plan de féminisation ou des autres rapports soumis aux votes de l’AG d’octobre 2020 sont entre guillemets et en italique).

« La saison 2018-2019 a été marquée par des engagements forts au niveau des programmes de développement de la pratique féminine et par la publication du premier plan de féminisation de la FFE qui vise à établir une feuille de route pour les années à venir, en fonction des directives ministérielles et à partir d’une étude très précise de la situation actuelle. ». Rappelons que E&M ! était enthousiaste à la lecture de ce rapport et que nous en avons fait un commentaire détaillé et très majoritairement élogieux sur ce site. Nous sommes donc entièrement d’accord avec l’expression « engagements forts ». Seulement voilà, de l’engagement à la réalisation, il y a un pas, voire plusieurs. Rappelons que ce plan de féminisation proposait 4 thèmes (développement de la pratique, féminisation des organes de direction, féminisation de l’arbitrage, soutien du haut niveau féminin), sous-tendus par des objectifs qui se déclinaient en actions, le tout accompagné d’un calendrier précis s’étendant jusqu’en 2021, (pour un plan de féminisation couvrant la période 2019/2024, JO obligent) et de critères d’évaluation de leur réussite.

                Si nous comparons les annonces du plan de féminisation pour l’année calendaire 2019 avec les réalisations telles que décrites dans le rapport soumis au vote, voici ce que cela donne, thème par thème.

Thème n°1 : Développement de la pratique

  • Le label club féminin a effectivement été renouvelé. Ce label est décerné pour deux ans. Le plan de féminisation indique 63 clubs labellisés (sur 905) pour la période 2017/2019 tandis que le rapport nous informe que « Cette année, ce sont 60 clubs qui se sont vus attribuer cette distinction ». Cela veut dire que les effectifs des clubs labellisés sont stables.
  • La semaine au féminin a bien été organisée en 2019. De même, le plan de féminisation faisait état de 40 clubs ayant participé à cet événement en 2018, que l’on comparera aux 37 clubs signalés dans le rapport DNEF de cette AG. Par ailleurs, le plan de féminisation prévoyait de « récompenser 3 projets originaux proposés durant cette semaine des échecs au féminin », le rapport indique un seul club lauréat, pour ce qui s’appelle le trophée des clubs.
  • Pour le programme Smart Girls, renouvelé comme promis dans le plan, vous trouverez sur notre site une analyse complète et chiffrée de cette initiative, qui conclut à un bilan contrasté de ce programme puisque si 330 nouvelles joueuses ont bien pris une première licence via ce programme, seulement 27% d’entre elles ont rempilé à la FFE l’année suivante.
  • Le « renforcement des partenariats avec les institutions du sport scolaire » devait être piloté par la DNS (Direction Nationale des Scolaires), ce qui explique sans doute que je n’ai pas vu une ligne à ce sujet dans le rapport de la DNEF, tandis que le rapport de la DNS montre que des choses très intéressantes se mettent en place.

On peut donc attribuer une bonne note à ce thème, même si en guise de développement on constate plutôt un statut quo du nombre de clubs impliqués dans le label féminin et la semaine au féminin.

Thème n°2 : Féminisation et sensibilisation des instances dirigeantes

  • L’adhésion à Femix’sport a bien été prise mais il ne me semble pas que la DNEF relaye « les événements et formations » proposés par cette association.
  • Il n’y a aucune nouvelle du « séminaire participatif des femmes afin d’échanger sur les attentes liées à la fonction » (de dirigeante).
  • Je n’ai pas eu vent de la « remise en place des trophées de dirigeants FFE » qui devaient récompenser « la meilleure dirigeante, le meilleur projet de développement de la pratique auprès des femmes, le meilleur club féminin ». On attend d’ailleurs toujours de connaitre les critères retenus pour décerner ces prix.
  • La « valorisation des « actions des dirigeantes par une présentation mensuelle » a démarré sur le site FFE (page du secteur féminin et pas, sauf erreur de ma part, « en une du site fédéral » comme annoncé) plus que poussivement, avec rien en janvier, l’interview d’Isabelle Hamelin en février (interview reprise dans Caïssa n°4), rien en mars, puis l’interview d’Anémone Kulczak en avril (qui est arbitre et non pas dirigeante mais ne chipotons pas, interview reprise dans Caïssa n°5) et après, plus rien jusqu’à la fin de l’année 2019, en dehors d’un entrefilet en septembre décrivant le club d’Ouziers dont toutes les personnes dirigeantes sont des femmes mais sans interview.

Zéro pointé pour le thème de la féminisation des instances dirigeantes avec deux des principales actions programmées pour 2019 non réalisées et pour la dernière action, à peine un embryon de réalisation.

Thème n°3 : Féminisation de l’arbitrage et de l’encadrement technique

  • Le plan avait annoncé la parité d’arbitrage dès août 2019 aux Championnats nationaux. Comme vous pourrez le lire sur notre site, ce fut un flop absolu avec moins de femmes arbitres l’année où l’annonce de la parité a été faite que l’année précédente.

Même mauvaise note pour le thème de la féminisation des fonctions d’arbitrage et d’encadrement technique.

Thème n°4 : Soutien au haut niveau féminin

  • Au regard du « pôle féminin national » prévu en partenariat avec la DTN (Direction Technique Nationale,) et la DNJ (Direction Nationale des Jeunes), je n’ai rien trouvé à ce sujet dans le rapport de la DNEF ce qui est tout de même un peu fort de café ; rien non plus dans le sec rapport (3 pages) de la DTN. Dans le rapport de 8 pages de la DNJ, j’ai déniché comme unique information que « Dans le cadre du pôle féminin, un stage d’entraînement a eu lieu pendant le Festival des jeux de Cannes, du 18 au 22 Février animé par Yannick Gozzoli » et qui a concerné 6 jeunes espoirs féminins sur 20.
  • La « formation de nos meilleures joueuses à la communication et à l’utilisation des réseaux sociaux » prévue pour être gérée par la DTN n’apparait ni dans le rapport de la DTN, ni dans celui de la DNEF.
  • Le marrainage des « actions de développement par nos meilleures joueuses » semble être resté lettre morte, on ne trouve en tout cas aucun mot à ce sujet dans le rapport de la DNEF.

Je ne suis pas sûre que ce dernier bilan vaille beaucoup plus que la moyenne.

C’est très bien de proposer un plan de féminisation structuré, basé sur un constat honnête de la situation actuelle et rigoureusement organisé en thèmes/objectifs/actions/calendrier/mesure d’évaluation. C’est beaucoup moins bien de ne pas le mettre en place. Plus précisément, si on analyse les réussites du plan en 2019, on s’aperçoit que l’on a :

  • Le renouvellement d’initiatives qui tournent déjà depuis longtemps (la semaine au féminin, le label féminin) ou qui sont sur les rails (Smart Girls), qui ne demandent donc pas un énorme investissement intellectuel. Certes, cela requiert de l’organisation, du temps au téléphone, des déplacements, ça ne tombe pas tout cuit dans l’escarcelle mais cela ne nécessite pas vraiment de sortir de son train-train.
  • Des actions pilotées par d’autres Directions Nationales que la DNEF (pôle féminin, conventions avec les institutions du sport scolaire). Comme ces actions ne sont qu’à peine mentionnées dans le rapport de la DNEF, on peut supposer que c’est parce que l’investissement de la DNEF a été très réduit.
  • Une prise de licence (à Femix’sport) qui a du prendre trois minutes à la personne qui a fait le virement et rempli le bulletin d’adhésion.

Inversement, ce qui manque, ce qui n’a pas été réalisé, alors que l’engagement en était pris, ce sont des actions qui demandaient de l’imagination (le marrainage d’actions tout azimut), un regard neuf (formation aux réseaux sociaux pour les joueuses de haut niveau) et de nouvelles méthodes (séminaire de dirigeantes).

                Pourquoi donc un tel décalage entre ce qui avait été promis et ce qui a été réalisé ? Et pourquoi donc ne pas reconnaître honnêtement qu’il y a eu « du retard à l’allumage » alors qu’il y avait eu du courage à admettre, dans le plan de féminisation, que le bilan n’était pas tout rose ? Y aurait-il eu une volte-face à la tête de la DNEF ? « Souvent femme varie », disait donc François.

Cette attitude de déni et de silence sensée cacher d’un voile opaque les manquements flagrants de la DNEF à ses engagements « forts » est d’autant plus regrettable qu’il semblerait que la DNEF ait quelques chances de se rattraper un peu sur le prochain rapport, qui couvrira l’année calendaire 2020 et sera présenté à l’AG 2021. En effet, n’oublions pas qu’après moult protestations, dont celles portées par E&M !, l’équipe d’arbitres des Championnat de France Jeunes prévus en 2020 était en effet paritaire. Les efforts déployés par Laurent Freyd, en allongeant la durée de l’appel à candidature et en sélectionnant une équipe avant l’annonce du nom de l’arbitre principal, avaient abouti à ce beau résultat, qui prouve donc qu’il est parfaitement possible d’avoir une équipe arbitrale paritaire sans passer par une laborieuse augmentation par petites étapes de la part féminine du corps arbitral. Certes l’équipe annoncée n’a pas pu exercer pour cause d’annulation de ces championnats mais la faute en revient seulement au virus. L’année 2020, qui touche bientôt à sa fin, a vu également naitre, avec un an de retard, une des promesses du plan de féminisation : celui d’un séminaire des dirigeantes. Toutefois, ce séminaire promis, dans le plan, pour regrouper « tous les niveaux structurels de la fédération (des clubs jusqu’au comité directeur fédéral) » est pour l’heure savamment fermé, pour ne pas dire cadenassé puisque « Dans un premier temps, ce club présidé par la DNEF et la directrice générale de la FFE concernera donc les directions régionales et départementales des échecs au féminin et pourra s’étendre par la suite » (vous noterez le délicieux flou de ce futur tout en retenue). Il manque donc à tout le moins toutes les présidentes de club.

Dans ces conditions, quelle confiance peut-on accorder à la DNEF ? Quelle confiance peut-on accorder à une liste qui fait soudain passer la directrice de la DNEF de la 6ème (pour les élections envisagée en juin) à la 4ème place (liste définitive) malgré ces oublis beaucoup trop systématiques des promesses pour être seulement des étourderies ? Bien fol(le) qui s’y fie, concluait François.

PS : les images illustrant ce texte ont toutes été trouvées sur le site (gratuit) jigsawplanet.com (que par ailleurs je vous recommande si vous aimez les puzzles pour vous détendre et détestez perdre ou abimer les pièces en carton), en lançant la recherche « chess ».

Championnat de France des jeunes en ligne : nous demandons un titre mixte

Texte d’Aude Soubrier.

/ Edit 04/07/2020 : Il s’est finalement avéré que cette répartition des titres garçons /filles était une erreur de la FFE, qui a été corrigée après la publication de cet article en restaurant les titres habituels mixtes/filles. Malgré tout, nous ne pouvons nous empêcher de voir dans cette erreur et dans l’absence de réaction de la part du milieu échiquéen un indice fort que pour beaucoup « mixte » et « masculin » restent synonymes. /

Capture d’écran du mail envoyé par la FFE à ses adhérents pour les informer de l’organisation de ces championnats en ligne.

Nous nous réjouissons que la FFE ait décidé d’organiser des championnats des jeunes en ligne à partir du 6 juillet avec des tournois mixtes, regroupant garçons et filles des même catégories d’âge

Cependant nous nous étonnons de l’attribution de titres « champion garçon » et « championne fille » alors que les titres généralement attribués sont ceux de « champion.ne mixte » et « championne fille ». 

Plusieurs réflexions à ce propos : 

  • Pourquoi un titre « garçon » alors qu’il n’y a jamais eu en France de catégorie garçon jusqu’à maintenant ? 
  • Est-ce une façon de reconnaître que les tournois et les titres jusque là dénommés « mixte » ont en réalité toujours signifié implicitement « garçon » et que dès lors que les tournois sont réellement mixtes, il faut maintenir ce titre dans le giron masculin ? 
  • Lors des championnats jeunes de l’Union Européenne, c’est le modèle qui a momentanément prévalu : des championnats mixtes avec un titre garçon et un titre fille. Quel a été le résultat ? Une certaine invisibilisation des résultats des filles. Il est évident – au vu de la répartition garçons / filles dans les échecs, et des préjugés encore persistants – qu’entre un champion garçon et une championne fille, peu de gens imagineront que la deuxième est peut-être en réalité la vainqueure de son tournoi. Voici ce que j’en écrivais en 2017 :

Par contre, pour les hommes, on ne précisera jamais qu’ils sont champions mixtes, car cela est censé aller de soi – même quand ce n’est pas le cas ! En voyant l’annonce ci-dessus, vous ne doutez pas du fait que Thomas Ariza ait remporté le titre de champion mixte en U14, d’autant qu’il est bien précisé entre parenthèse U14 alors qu’il est par exemple indiqué U10f pour Sofia Bellahcene. Eh bien vous avez tout faux, Thomas Ariza n’a en fait remporté que le titre de champion garçon. L’Union Européenne ne décernait alors pas de titres mixtes. Mais s’il avait fallu en attribuer un, il serait allé à Viktoria Radeva, seule première de ce championnat. Pourtant, si l’on disait simplement que Viktoria Radeva a été championne des moins de 14 ans, personne ne penserait qu’elle était effectivement championne « tout court » mais plutôt championne des filles de moins de 14 ans.

Enfin il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les titres et tournois féminins sont avant tout un outil de correction : un moyen de faire accéder les joueuses au haut-niveau dans une situation d’inégalité de genre, et sans attendre l’avènement de l’égalité. Les hommes n’ont nullement besoin d’un tel outil de correction. Créer un titre spécifiquement pour eux, c’est introduire une fausse symétrie, c’est à dire nier l’inégalité prégnante de notre discipline tout en empêchant les femmes d’accéder au titre général, mixte. 

Et à titre personnel, je ne suis guère plus favorable au triptyque « titre mixte + titre garçon + titre fille ». Comme nous l’avons vu, le titre garçon n’a pas de raison d’être, mais en plus le risque est grand que dans le langage courant, « titre mixte » et « titre garçon » deviennent synonymes. (D’autres à E&M préféreraient un titre de « champion-ne mixte » cumulable avec celui de champion garçon ou fille).

En bref, oui à des championnats mixtes, mais il faut garder les titres tels qu’ils sont actuellement : mixte et féminin. Et travailler activement à mettre en œuvre une égalité qui rendra le titre féminin totalement obsolète.

Mais puisque les inscriptions sont déjà ouvertes pour ce championnat, nous demandons à la FFE, au vu de ces arguments, de rajouter un titre de « champion.ne mixte » qui soit cumulable avec les deux autres titres déjà prévus.

Programme Smart Girls : Mais où sont les neiges d’antan ?

Début janvier 2020, la FFE a publié dans ses « actus » l’appel à candidature au programme Smart Girls (SG) 2020 ainsi que le bilan de cette action pour 2019, tous documents que vous pouvez consulter ici : http://www.echecs.asso.fr/Actu.aspx?Ref=12316

Comme souvent, entre l’enthousiasme des textes de la DNF et la réalité chiffrée, il y a une certaine marge qu’il me parait important de détailler, d’autant que pour une fois, tout n’est pas mauvais dans ce bilan, loin s’en faut.

Smart Girls : Pour qui, pour quoi ?

Les objectifs du programme Smart Girls, lancé au niveau de la FIDE et décliné par la FFE sont clairs, ils sont chiffrables et ils sont ambitieux :

« Faire découvrir notre sport à des jeunes filles qui sont habituellement éloignées de cette pratique sportive et favoriser, dans les meilleures conditions, leur adhésion aux clubs. » et aussi : « L’objectif de la FFE est d’atteindre au minimum 400 nouvelles jeunes licenciées en 2020. ».

Miniature du manuscrit d’Alphonse X le Sage, 1283 : Femmes maures en costume arabe jouant aux Échecs.

Un esprit chagrin pourrait se poser une question : Pourquoi ces licenciées doivent-elles être « jeunes » et quelle est la limite d’âge au-dessus de laquelle une femme n’intègre plus les canons de Smart Girls ? La FIDE et la FFE auraient-elles peur que des seniores leur fassent moins d’usage que de jeunes donzelles ? Ce même esprit chagrin pourrait aussi trouver un peu hypocrite que la FFE prétende vouloir favoriser leur adhésion dans les clubs alors que, dans le même temps, elle oblige les clubs à une « prise de licences B ou A non remboursées par la FFE, cette saison ».

Que disent les clubs du programme auquel ils ont participé ?

Pour répondre à cette question, j’ai analysé les annonces officielles des clubs, c’est-à-dire les documents qu’ils devaient fournir à la FFE au moins deux fois dans la session, sans oublier que ceux-ci pouvaient avoir été triés par la FFE avant d’être publiés dans le bilan. J’ai aussi cherché une trace de l’action des clubs sur leurs sites. Là aussi, il peut y avoir un hiatus entre réalité et ce que j’en ai vu, parce que j’ai pu m’égarer sur certains sites foisonnants et aussi parce qu’il n’y avait pas d’obligation pour les clubs de communiquer leur action sur leur site web. Après ces restrictions méthodologiques d’usage, il ressort de cette fouille une très forte disparité d’attitudes affichées par les clubs mais l’impression que j’en retire est, somme toute, plutôt encourageante. À une extrémité des possibles, certains clubs ont rempli leurs obligations de façon minimaliste : par exemple (mais il n’est pas le seul dans cette version restreinte), le club d’Aulnoye a fourni le chiffre des nouvelles licenciées de l’année et un tout petit article de presse locale (24 mai 2019, L’Observateur de l’Avesnois) où il n’est même pas fait mention du programme SG, point barre. Bien que l’édition SG de 2019 ne soit pas la première, seuls les clubs de Saint Germain Laval et Noisiel signalent qu’ils rempilaient dans le programme SG. Ceci ne veut pas forcément dire que tous les autres étaient des petits nouveaux (ce qui, ipso facto, indiquerait que les clubs de l’année d’avant ont jeté l’éponge) mais ça pose tout de même un peu la question du suivi de l’implication des clubs, sujet sur lequel la DNF s’est bien gardée de communiquer.

En revanche, plusieurs clubs se sont vraiment lancés à fond dans l’aventure, en profitant du contexte local : subventions et/ou partenariats complémentaires (FDVA : Monteux ; mairie : le club d’Orsay ; association luttant contre l’exclusion : Club Palamède, département+ mairie : Perpignan), animations « sans lien apparent » mais que je trouve parfaitement appropriées (Fontainebleau : sortie au Palais de la découverte, exposition sur les mathématiques et les neurosciences, Nomain : animation lors de la semaine de la science). Plus discrets dans leur bilan officiel, d’autres clubs ont fortement communiqué sur leur site web : Noisiel affiche clairement que « La mixité est la règle dans nos équipes, jeunes et adultes, aux interclubs, en Nationale ou en Critériums », le club de Limoges a posté une interview donnée à Radio France Bleu Limousin (https://www.youtube.com/watch?v=PuCsuM50Otg&feature=youtu.be) de la présidente et de la responsable du projet SG dans les bibliothèques  qui aborde bien des sujets (les quartiers, les jeunes, les femmes etc…) tandis que Nomain, dans son post du 15 février, met en ligne un discours très engagé de Julien Clarebout. Dans une attitude intermédiaire, citons Suresnes et Palamède Echecs, qui ont tous les deux fait un petit reportage sur la journée SG organisée par la DNF au château d’Asnières (20 octobre 2019)

Reine qui joue aux échecs
Anonyme, tapisserie, XIVe siècle. Colmar, musée d’Unterlinden

Mais au fait, combien de SG ?

Le bilan 2019 présenté par la FFE fait état de « 330 nouvelles jeunes joueuses, parmi toutes celles qui ont découvert notre sport et qui ont été licenciées dans l’un des 23 clubs pilotes. ». C’est indiscutablement une excellente nouvelle et 330 est un très beau chiffre, qui devient tout à fait impressionnant si on le compare à la variation du nombre de licencié.e.s FFE (A et B) entre les saisons 2017/2018 et 2018/2019 : 54860 licencié.e.s en 2017/2018 et 54082 pour 2018/2019, soit une diminution de 778 licences (http://www.echecs.asso.fr/Actus/6797/FFE2000a2019.pdf). Est-ce à dire que le programme Smart Girls, logiquement reconduit pour la saison 2019/2020, permettrait d’enrayer, au moins partiellement, la chute des licences de la FFE que l’on observe depuis quelques années ? Pour cela, il faudrait que ces nouvelles inscrites de 2018/2019 aient décidé de reconduire leur licence en 2019/2020, sinon, elles n’auront été qu’un feu de paille sans aucune conséquence bénéfique à long terme. Bref, que sont donc devenues ces 330 nouvelles licenciées un an après avoir découvert les échecs grâce au programme Smart Girls ?

Pour répondre à cette question du suivi, j’ai dressé un bilan, arrêté à la date du 12 janvier 2020, du programme Smart Girls 2019. Ce dernier a concerné des actions ayant eu lieu entre décembre 2018 et octobre 2019, donc des prises de licences à la saison 2018/2019. Je me suis armée de patience et j’ai scruté les données accessibles sur le site de la FFE. Pour chacun des 23 clubs ayant participé au programme Smart Girls de 2019, j’ai étudié la liste des adhérentes de la saison actuelle (2019/2020), que j’ai consultée pour tous ces clubs le 12 janvier 2020. On peut raisonnablement penser que si une SG de 2018/2019 n’a pas renouvelé sa licence à la mi-janvier de la saison suivante, c’est qu’elle ne le fera pas. Suivant la logique d’attribution des codes licences à la FFE, les personnes ayant pris une licence à la FFE pour la première fois à la saison 2018/2019 ont un numéro qui commence par S5, S6 ou S7 (http://www.echecs.asso.fr/Actus/6797/EFFBRUTS.pdf). Evidemment, ce comptage est « un peu faux », d’une quantité difficile à estimer, parce que dans ces licenciées, se trouvent aussi potentiellement des joueuses n’ayant jamais entendu parler du programme SG et venues au club spontanément. A l’inverse, il n’est pas impossible qu’une SG disparaisse des compteurs pour cause de déménagement dans un club n’ayant pas participé au programme SG. Ces corrections sont très vraisemblablement mineures, la seconde étant sans doute bien inférieure à la première, si bien que l’on peut raisonnablement supposer que le décompte effectué de cette façon donne une valeur légèrement supérieure à la réalité recherchée.

Pour chacun des clubs, j’ai rassemblé dans un tableau excel ( ((Que je tiens à la disposition de quiconque le demandera))) l’existence du label féminin (oui/non), le nombre total d’adhérents (H et F) au 12 janvier 2020, le nombre de joueuses adhérentes à la même date, le nombre de licenciées SG tel qu’annoncé dans le bilan 2019 fourni par la FFE et enfin les licences de femmes avec la lettre S, suivi du chiffre 5 ou supérieur, qui sont donc potentiellement les SG ayant poursuivi dans le club de leur début. 

Commençons pas des constatations d’ordre général. Tout d’abord, le label féminin n’est pas obligatoire pour qu’un club soit retenu dans le programme SG puisque 11 clubs sur les 23 n’ont pas ce label. Ensuite, 9 clubs sur 23 affichaient en janvier 2020 un pourcentage de joueuses supérieur ou égal à 25% (Podium : Culture Echecs Suresnes : 41,5% ; Roubaix Echecs : 40% et Nomain : 35%) donc supérieur à la valeur moyenne de la FFE. Cependant, pour les 23 clubs concernés, soit un total, H et F confondus, de 1731 personnes licenciées, on dénombre 731 F, soit 22,9% du total, une valeur très proche de la moyenne de la FFE.

Venons-en maintenant au cœur du sujet. Dans le bilan fourni, 20 clubs sur les 23 ont indiqué le nombre exact de SG qu’ils ont licenciées sur la saison 2018/2019, ce qui mène à un total de 311 nouvelles joueuses. La différence avec le chiffre de 330 annoncé par la FFE, soit 19, doit donc être mis à l’actif de l’ensemble des trois clubs muets sur leurs résultats chiffrés dans le bilan publié. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte de ces clubs dans la suite des calculs, du fait de cette inconnue. Ainsi, en janvier 2020, sur ces 311 joueuses, il en restait 84 au total dans les clubs impliqués, ce qui veut dire un taux de survie (pardonnez-moi l’expression) de 27%. Un examen attentif du fichier permet de constater des écarts très importants d’un club à un autre. 4 clubs ont conservé moins de 10% des SG recrutées, 3 parmi ces 4 n’en ayant récupéré aucune, tandis que 2 clubs affichent un taux de maintien de 100 % (l’Aviron Bayonnais et JEEN Paris) et que Palamède Paris obtient un taux record de 112 %, qui traduit la présence de joueuses n’ayant pas été licenciées via le programme SG.

silhouettes de joueuses d’échecs. (oeuvre du XVIIIème siècle, auteur.e inconnu.e)

Mais où sont les neiges d’antan ?

Ainsi, le bilan chiffré apparait-il contrasté. L’engagement de ces clubs a permis de licencier de nombreuses nouvelles joueuses mais force est de constater que seulement 27% d’entre elles ont poursuivi l’aventure échiquéenne l’année suivante. Selon que vous êtes plutôt verre à moitié vide ou verre à moitié plein, vous trouverez ce taux de succès encourageant ou désespérant. Pour se faire une réelle opinion de cette performance ou contre-performance, il faut comparer ce taux d’échecs de 73 % au taux général de non renouvellement des premières prises de licences au niveau national. Puisque la saison 2019/2020 ne s’achèvera que fin août 2020, ce taux est encore inconnu mais on peut d’ores et déjà en avoir une estimation avec les chiffres généraux accessibles au 01/03/2020. A cette date, il y avait 17295 codes T (première prise de licences pour 2019/2020) et 7075 codes S, chiffre qui ne prend en compte que les codes attribués depuis 2004/2005 et est donc le chiffre des survivant.e.s à la prise de licence en 2018/2019. En négligeant les variations entre cette saison et la saison passée, on en déduit que le taux de non-renouvellement en deuxième année de FFE est de l’ordre de 59 % en ce début mars 2020. Ce taux pourrait légèrement baisser jusqu’au mois d’août, si des adhérent.e.s de l’an passé ont brusquement un remord ou une envie de revenez-y (ce qui risque d’être très limité compte tenu de l’état de confinement actuel) mais globalement, le taux de renouvellement de la FFE est significativement meilleur que le taux de renouvellement du programme spécifique SG (environ 41% pour la FFE et donc 27 % pour SG). Bref, Flora, Archipiada ( ((Qui pourrait être un homme, en fait mais bon …))), sa cousine Thaïs, Echo, Héloïse, Blanche, Berthe, Bietris, Alis, Harenburgis et Jeanne n’ont fait qu’un petit tour à la FFE et puis s’en sont allées, je vous laisse choisir les prénoms des trois dames du temps jadis qui se sont réinscrites.

Est-ce totalement désespéré ? Que faire ?

               Malgré les apparences, je ne le pense pas. En effet, le taux de non-renouvellement moyen du programme SG cache, comme déjà indiqué, de grandes disparités de comportements et de résultats des clubs qui y ont participé. Sur les 23 clubs participants, 10 ont un taux de renouvellement supérieur à 40% (Aviron bayonnais, Fontainebleau, Noisiel, Nomain, Orsay, JEEN, Palamède, Roi de la têt, Roubaix et Saint Etienne), où l’on retrouve, ‘comme par hasard’, une bonne partie des clubs repérés, via le bilan de la FFE et de leur site web, comme fortement engagés dans l’action pour la féminisation des échecs (mais pas qu’eux). Ce sont en fait les clubs à 0% qui plombent la moyenne. Il est donc possible d’attirer et de garder les femmes et filles dans les clubs, il ne reste plus qu’à connaitre les recettes des clubs cités. Compte tenu des mesures de confinement actuelles, il est malheureusement probable que le succès du programme SG 2020 sera plombé pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le jeu d’échecs et que l’objectif de 400 nouvelles inscrites sera difficile à atteindre. Par ailleurs, il faudra sans doute que la charte d’engagement soit revue, au moins pour cette année, puisqu’il sera certainement délicat de maintenir 10 mois de cours à une heure par semaine. Faisons confiance à la DNF pour faire preuve de bon sens et de mansuétude.

               En ces temps de confinement, peut-être la chose la plus intelligente à faire serait-elle de discuter très sérieusement avec tous les clubs du programme SG de 2019, afin de cerner les raisons des réussites et des ratés du programme en terme de réinscription, des SG dans le club et des clubs au programme. Mon petit doigt me dit que les effets d’aubaine qui ont peut-être convaincu certains clubs de se lancer dans le programme (puisque visiblement, l’an passé, la FFE payait la licence des SG) ne sont pas rentables sur le long terme. En revanche, des clubs qui s’impliquent depuis longtemps pour la parité, avec des membres actifs sur le sujet, en profitant du programme SG, n’ont fait que rendre visible la lame de fond qu’ils ont su initier en leur sein.
 A ceux-là, je tire mon chapeau.


Echecs , mensonges et vidéo

Article d’Isabelle Billard

On peut réglementairement mentir dans une impressionnante liste de jeux de plateau 1. Mentir pour conclure un accord qu’on trahira au tour suivant (Monopoly, Catane, Risk…). Mentir pour abuser l’équipe adverse (Loup Garou). Mentir pour donner du piment au jeu (tous les jeux de rôles, typiquement). Au jeu d’échecs, on ne peut pas mentir, en principe. Bien sur, il y a les gambits, l’offre d’un pion empoisonné par exemple en b2/b7 ou le sacrifice de Dame si tentant et pourtant si dangereux à accepter. Tout cela n’est pas mentir. Le coup s’est joué sur l’échiquier, au vu de tout le monde, il n’y a pas entourloupe, et la plupart du temps, l’adversaire n’est pas obligé de prendre. Un comportement plus limite est la fausse mine dépitée après votre coup, la main qui se déplace au-dessus du plateau de jeu et semble hésiter alors que vous connaissez l’ouverture par cœur. Ces comportements, qui s’apparentent plutôt au bluff du poker ou aux comédies des joueurs de foot qui tombent à terre en hurlant à la mort pour une pichenette, vous attireront les foudres de l’arbitre si vous abusez du procédé et que votre adversaire porte plainte. 

Une des tartes à la crème des textes sur les échecs est de vanter les valeurs sportives que véhicule le noble jeu : respect des règles, respect de l’arbitre, respect de l’adversaire. On pourrait donc s’attendre à ce que les représentants de la FFE soient irréprochables quant au respect de la parole donnée et soient d’une honnêteté intellectuelle à toute épreuve. Tout le monde a le droit de se tromper, mais personne n’a le droit de mépriser ses interlocuteurs, ses adhérents, le Ministère et le public en général qu’il puisse s’autoriser à promettre monts et merveilles pour, dans la foulée, s’asseoir sur les textes écrits qui engagent la FFE via leur signature. 

Et pourtant ! Si je reprends le texte du « Plan de féminisation de la FFE » qui nous avait tant plu (voir ici et ), en commençant par le mot du président, j’apprends que « La féminisation du sport échecs est une mission prioritaire de la FFE, nous nous engageons à favoriser l’accès des filles et des femmes à toutes les formes de pratiques du jeu d’échecs, à lever les obstacles qui entravent leurs engagements dans le haut niveau et à leur permettre une meilleure représentation dans les instances dirigeantes et encadrantes. » (signé: Bachar Kouatly). Dans le détail du plan, présenté cet été oralement par J. Wolfangel et M. Choisy, nous avions tout particulièrement signalé notre adhésion et notre enthousiasme pour les mesures visant à « tendre vers la parité sur l’arbitrage des grands championnats (championnat de France, championnat de France jeunes, championnat de France Rapide et Blitz)» (page 18). Encore plus précis et plus exigeant, le tableau de ce même plan, page 19, indiquait que l’objectif intitulé ‘parité sur l’arbitrage des championnats nationaux’, piloté par la DNA, devait commencer en août 2019, aux Championnats de France de cette année, par conséquent, et que l’indicateur chiffré serait le pourcentage de femmes. Résultat, la liste officielle des arbitres de ce championnat mentionne en tout et pour tout 3 femmes (Lucie ARGENTE, Dominique CYRILLE et Marie GUIBERT), pour 14 arbitres, soit une femme arbitre de moins que l’an passé pour le championnat de Nîmes, encadré par 12 arbitres au total. Pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre qu’en passant de 4 F sur 12 à 3 F sur 14, on assiste à une régression. À tout le moins, on peut trouver que la FFE a une curieuse façon de « tendre » vers l’égalité des genres dans l’arbitrage des Championnats de France. 

Notez que je n’accuse pas les signataires du plan de mensonge éhonté. En effet,on peut trouver plein de raisons à ce pitoyable résultat après tant de battage médiatique, que l’on peut classer en deux catégories d’explications, que nous allons examiner tour à tour.

1) « C’est la faute aux femmes ! »
Evidemment, comme dit une pub célèbre, ‘100% des gagnantes auront tenté leur chance’, si bien que si moins de 7 femmes se sont portées candidates pour arbitrer aux championnats de France, même la meilleure volonté du monde n’arrivera pas à en mettre 7 dans la liste, sauf à prendre des volontaires désignées d’office, ce qui n’est pas souhaitable non plus. Toutefois, nos diverses sources d’information indiquent qu’au moins 5 femmes se sont portées candidates. Le compte n’y est toujours pas mais quelles ont été les raisons qui ont conduit à réduire ce nombre à portion si congrue ?

Encore une fois, je ne fais pas a priori de procès d’intention à la FFE mais tout de même, il y a de quoi se poser quelques questions. Toujours d’après nos informations, il n’y a pas eu de désistement pour cause de force majeure et aucune des candidates n’avait un niveau insuffisant. En revanche, une candidate a été écartée pour, parait-il, des petits soucis de comportements au cours d’arbitrages précédents, ce dont elle s’étonne. Sur ce dernier cas, je ne veux pas lancer une polémique qui n’a pas été souhaitée par l’arbitre en question mais comme dit encore une fois la pub, « il n’y a pas de petits soucis de comportement » quand on est arbitre. Ou bien il y a une plainte d’un joueur et une décision en commission ou bien il n’y en a pas. En l’absence de plainte passée, l’argument retenu pour l’écarter des Championnats sent fortement le moisi. Enfin, une deuxième candidate a été écartée parce qu’elle avait déjà arbitré lors des Championnats jeunes de cette année. Reste donc trois femmes pour un objectif de 7. 

Que les candidatures ne soient pas automatiquement acceptées, cela est normal. Que la première année où l’on claironne qu’on va vers l’égalité arbitrale, on se retrouve avec moins de femmes que l’année d’avant l’est beaucoup moins et ce n’est pas cet état de fait qui va susciter l’enthousiasme des femmes pour les candidatures de l’an prochain. 

Nous en venons donc logiquement à la seconde catégorie de raisons possibles à ce fiasco lamentable :

2) « C’est la FFE, la DNF et la DNA 2   qui n’ont pas fait leur boulot ! »

Commençons par deux questions ‘poil à gratter’ : 

  • 1) y a-t-il plus de raisons pour exclure une femme, sous prétexte que les femmes ne représentent que 25 % de la FFE plutôt que de choisir un homme sous prétexte que les hommes représentent déjà 75 % des licenciés ? Dans les deux cas, on choisit pour un argument lié au sexe, qui n’a rien à voir avec les compétences requises, alors pourquoi s’offusquer dans un cas et trouver ça parfaitement normal dans l’autre? 
  • 2) Notre Fédération crève, pour partie, d’effectifs en berne. Montrer que les échecs ne sont pas un monde ‘que pour les hommes’ pourrait avoir un effet positif sur les effectifs féminins de la FFE, par effet d’entrainement. Prouver qu’aux échecs aussi, les femmes ont leur place, comme partout ailleurs dans la société, est une œuvre de salut public, un argument vendeur pour des tas de dossiers de subvention (soyons horriblement pragmatique) et pourrait devenir une obligation ministérielle. Voulons-nous donc absolument nous cramponner à des attitudes ringardes ? Ne serait-il pas plus intelligent de devancer un tantinet non pas l’évolution de la société dans son ensemble (là, c’est déjà raté) mais l’évolution législative? 

Passons aux questions qui fâchent mais que tout cerveau normalement constitué va fatalement se poser : 

  • Se pourrait-il que des dissensions, pour ne pas dire des guerres de clan, existent au sein de la gouvernance de la FFE, qui auraient conduit à ce que la volonté d’une Direction Nationale soit considérée comme lettre morte par une autre? 
  • Ou bien alors, la DNF aurait-elle tout simplement oublié (!) de prévenir ou de discuter avec la DNA pour rédiger le plan de féminisation et chacun faisant son travail dans son coin sans se concerter, on en arrive à des incohérences majeures de cet ordre, plus personne ne voulant alors prendre la responsabilité de ce ratage? 
  • La Présidence de la FFE, en cette période d’agitation habituelle d’avant les AG, se serait-elle sentie si peu concernée par des promesses, qui, comme chacun sait, n’engagent que ceux qui y croient, qu’elle aurait tout simplement fait l’impasse sur ce point? 

Bref, pouvons-nous espérer avoir une explication franche et honnête à ce qui apparait, au choix, comme un couac monumental, un mépris affiché de la parole donnée, une désorganisation complète ou de l’incompétence avérée, voire les quatre à la fois ?

Pour l’an prochain, serait-il trop demandé de suggérer que la FFE, après un audit des raisons de ce cafouillage préjudiciable à sa réputation, s’y prenne autrement, par exemple en se donnant plus de moyens, tôt dans la saison, pour aller chercher des arbitres femmes, comme par exemple :

  • en écrivant à toutes les arbitres femmes pour leur expliquer qu’elles pourraient participer à de cet arbitrage prestigieux
  • en (re)publiant un appel en page d’accueil du site de la FFE
  • en écrivant à tous les clubs et arbitres formateurs pour qu’ils relaient cet appel
  • en mettant tous les responsables autour de la table, pour que nul n’ignore la politique affichée de la FFE ? 

Isabelle Billard

PS: ah oui, j’oubliais, pour le troisième mot du titre : http://www.echecs.asso.fr/Actu.aspx?Ref=12067

Illustration : Georges de La Tour, Le Tricheur à l’as de carreau.

1. Les listes de jeux choisis pour illustrer cet article ne sont nullement exhaustives.

2. DNF : Direction Nationale des échecs au Féminin et DNA : Direction Nationale de l’Arbitrage.

Nouveau bureau d’Échecs et Mixte !

L’association est heureuse de vous présenter son nouveau bureau :

Présidente : Sonia Bogdanovsky
Trésorier : Denis Regaud
Secrétaire générale : Mathilde Congiu

Nous remercions vivement l’équipe précédente, composée de Isabelle Billard, Aude Soubrier et Aurélie Dacalor, pour leur action depuis 2015. Elles restent bien sûr des membres actives de l’association.

Féminiser la FFE : encore un EFFort !

Nous abordons le dernier volet des commentaires du plan de féminisation de la FFE, en nous intéressant aux sujets des instances dirigeantes, de l’arbitrage, de l’encadrement technique et du haut niveau. Dans ces parties, on retrouve le plan précédemment décrit : un état des lieux puis des objectifs déclinés en actions, avec des critères d’évaluation, un calendrier et un descriptif. Comme nous l’avons déjà souligné,

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F-FFE-E ! Féminiser la FFE, enfin !

La FFE a publié récemment une programmation intitulée « plan de féminisation 2019-2024 », qui a été également présentée pendant les journées du championnat de France jeunes, conjointement par J. Wolfangel et M. Choisy. Nous avons tant réclamé des mesures en faveur de la mixité de la FFE que nous ne pouvons qu’applaudir, sincèrement et honnêtement, à cette initiative. A cette occasion, la FFE voit grand, avec une vision pluriannuelle concertée : félicitations, il n’était que temps !

Pour celles et ceux qui n’auraient pas l’envie de se plonger dans les 28 pages de ce texte, nous avons la joie de présenter sur notre page WEB une analyse détaillée

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Du neuf en 2019 ?

La fin 2018 et le début 2019 ont été marqués par des événements qui, nous l’espérons, marquent un tournant décisif:

Au niveau international, la FIDE vient d’annoncer sa volonté de soumettre la candidature des échecs en tant que sport additionnel ou sport de démonstration pour les Jeux Paris 2024.

Au niveau national, vous avez sans doute entendu parler et/ou été destinatrice d’un lien pour un sondage en ligne géré par la FFE ayant pour thème les femmes et les échecs (http://echecs.asso.fr/Actu.aspx?Ref=11635). De plus, la FFE a adhéré tout récemment à l’association Femix’Sports dont le but principal est « d’encourager la mixité et l’équité dans le sport ».

Ce sondage nous parait être une très bonne initiative, à condition que les résultats en soient analysés avec rigueur et honnêteté, et que les opinions exprimées, qui seront certainement multiples et riches, permettent d’entamer un débat que l’association E&M ! espère depuis longtemps. Dans cette optique, l’adhésion à Femix’Sports nous parait de très bon augure, tout comme les déclarations de fin d’année dernière du président de la FFE, relayées sur le site fédéral (post du 17/12/2018), qui vantaient l’enseignement du jeu d’échecs à l’école comme un outil « pédagogique et ludique qui renforce les valeurs citoyennes ». L’actualité ne cesse de nous rappeler que la mixité fait partie des aspirations citoyennes. Par ailleurs, sans vouloir préjuger de la décision du COJO[1] et du CIO, rendre les échecs visibles au plus grand nombre en profitant de l’élan médiatique des JO sera une très bonne chose si la communication autour de notre sport répond aux attentes de la population qui demande du spectacle, évidemment, mais est de plus en plus sourcilleuse quant à la place équitable des femmes.

Pour le développement d’un sport et d’un jeu qui fait notre joie, pour intégrer les échecs dans la grande internationale sportive, pour débarrasser le plus noble des jeux de cette étiquette ringarde et machiste qui lui colle trop souvent à la peau, il devient à l’évidence de plus en plus urgent de mettre en accord les fonctionnements internes de la FFE et de la FIDE, leurs règlements et leurs pratiques avec la plus simple des évidences : un homme vaut une femme. Ni plus, ni moins. Et vice versa.

 

Je terminerai cette rubrique de début d’année en rappelant que E&M ! achevant bientôt sa quatrième année d’existence, un renouvellement de son comité directeur aura lieu lors de la prochaine AG, qui, selon les statuts de l’association, me conduira à m’effacer, ainsi que la secrétaire et la trésorière, au profit d’un comité renouvelé, qui verra, c’est notre vœu le plus cher, la FFE et la FIDE s’engager résolument vers la mixité.

[1] COJO : Comité d’Organisation des Jeux Olympiques

Échecs & Mixte ! dans Europe Échecs

Un peu de lecture pour cette fin de week-end.

Une double page dans le numéro de février d’Europe Échecs avec les interviews de Jocelyne Wolfangel, Directrice Nationale des Féminines de la FFE, et Isabelle Billard, présidente d’Échecs & Mixte !

IB-petit

Côté lecture également, la FFE renvoie à un article de Tom Stafford au titre explicite : « Female chess players outperform expectations when playing men » (Les joueuses d’échecs ont de meilleures performances qu’attendu lorsqu’elles jouent contre des hommes). Bizarrement, la FFE y voit une incitation à continuer l’initiation des échecs auprès des femmes et jeunes filles mais pas une incitation à encourager la mixité.

Le chemin parcouru pour retrouver l’étude en question : la brève de la FFE, l’article du Figaro, l’article de l’Association for Psychological Science, l’ensemble du travail du chercheur (article et base de données), et enfin l’article lui-même.

 

Poing levé ou main tendue ?

Depuis quelques mois, l’actualité dans le domaine des relations homme/femme a été particulièrement intense, à tel point qu’elle m’a grandement retardée pour écrire ce message de vœux pour 2018. En effet, l’affaire Weinstein, la soudaine révélation de salaires différenciés entre actrices et acteurs, les haros sur les tableaux et les œuvres d’art du passé, les manifestes dans Le Monde et la tribune dans Libération parue peu après, la polémique sur l’écriture inclusive (j’en oublie certainement et ne cherchez pas un ordre chronologique à cette liste édifiante) ne créaient pas le climat serein que l’on pourrait espérer au moment du changement d’année, lorsque tous les espoirs sont permis.

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