A propos des prix féminins dans les Opens d’échecs

L’Open international de Villard de Lans, organisé par l’Echiquier grenoblois dont je suis membre s’est achevé le 4 juillet, avec la traditionnelle remise des prix. Ce tournoi était, pour la première fois, découpé en un tournoi « principal », ouvert à tous et toutes, sans distinction d’Elo ou autre critère, et un tournoi « Accession », limité aux Elos strictement inférieurs à 1501, auquel j’ai participé. Le tournoi « Accession » a rassemblé 52 inscrits dont 16 féminines, soit un peu plus de 30%, allant des catégories vétéran à poussine et il était doté de divers prix. Outre les prix généraux et par catégories Elo, il y avait deux autres types de prix : un prix ‘vétéran’ et deux prix ‘féminins’ et il se trouve que j’ai eu le délicat honneur de remporter le premier prix féminin, doté de 50 €. Vous allez me dire, en éclatant de rire, que c’est vraiment le diable qui m’a offert ce cadeau empoisonné, et je vous répondrai, avec un sourire, que je ne crois pas en une entité immanente, bonne ou mauvaise mais que je vous accorde que c’est une amusante coïncidence.

Si l’on regarde la grille américaine du tournoi accession (lien FFE du tournoi Accession Villard 2015), on constate que deux féminines ont pris les deux premières places, sans contestation possible, puisqu’avec un point et demi et un demi-point d’avance sur le troisième lauréat. Pour les quatre prix généraux (ce qui est relativement peu, du moins pour l’expérience que j’ai des tournois de ce type en Alsace, ma région échiquéenne précédente), ils reviennent à deux femmes et deux hommes, et si l’on étend le classement aux six premiers, on a encore une égalité parfaite entre nombre d’hommes et de femmes, ce qui, vu les pourcentages respectifs de participation, indique que ces dames ont plutôt fort bien joué. En revanche, avec ma piètre 14 ème place au tournoi, obtenir un prix, qu’il soit féminin ou pas, ressemble plus à un tirage au sort qu’à autre chose.

En effet, qu’est ce qui justifie un prix dans un tournoi d’échecs ? A priori, comme pour tout prix dans une compétition, une performance significative, un résultat notable : d’où les prix par catégorie d’âge ou par tranche Elo, ces deux types de prix n’étant pas genrés. Par conséquent, pourquoi diable un prix féminin qui récompense une joueuse n’ayant ni un score remarquable, ni une performance exceptionnelle, bien au contraire ? Parce que c’est un prix ‘féminin‘ et nous touchons là du doigt le bât qui blesse car de mon point de vue, et considérant les résultats généraux du tournoi, ces 50 € accordés à une femme, du seul fait qu’elle est une femme, est une discrimination anti-hommes que je trouve parfaitement choquante. Pour justifier l’existence de ce prix, l’arbitre du tournoi, Claire Pernoud, qui fait partie du comité d’organisation de l’Open depuis des années, m’a indiqué que lors des inscriptions, un certain nombre de féminines avaient demandé si des prix féminins étaient prévus… Ce qui signifie qu’elles ne s’imaginent pas pouvoir gagner le tournoi et se limitent et se cantonnent à un lot de consolation, qui n’a rien à voir avec leurs capacités aux échecs et uniquement avec leur sexe… alors que la grille américaine du tournoi démontre clairement le contraire ! Bref, dans ce tournoi Accession, s’il n’avait pas été annoncé et donc promis, un tel prix ne se justifiait pas. Il est absolument exact, comme me l’a signalé Claire Pernoud, que lorsque le comité d’organisation a décidé de la liste des prix, puis l’a affichée, nul ne savait qui gagnerait mais maintenant – et donc pour l’an prochain- personne ne peut plus ignorer que le podium peut être à majorité féminine.

Pour en revenir à mon attitude, puisque j’ai été appelée sur l’estrade pour recevoir ce prix féminin, je commencerai par citer Kant : « Le devoir envers soi-même consiste à conserver la dignité de l’humanité dans sa propre personne » (1). Ayant auparavant dûment prévenu et l’arbitre qui officiait et le président du club, j’ai pris le micro pour signaler que je refusais le prix en tant que personne mais que je l’acceptais en tant que représentante de l’Association Echecs & Mixte ! afin de soutenir des actions visant à supprimer ces prix inadaptés. J’effectuerai dès lundi un virement à l’association d’un montant équivalent au prix. Pour l’an prochain, je suggère à mon club de supprimer ce prix et de réemployer l’argent à meilleur escient (2). Les idées ne manquent pas, et je vous en indique ici deux : le nombre de prix total au général peut être augmenté, passant de 4 à 6, par exemple, ce qui permettrait de répondre aux féminines inquiètes que plus de prix sont ouverts à toutes et tous, ou alors il est possible d’offrir en début de chaque ronde un petit cadeau symbolique à la meilleure performance de la ronde précédente. A chacun, et chacune, d’en tirer les conclusions qui s’imposeraient alors : pour gagner un prix dans un tournoi d’échecs, il faut -et il suffit de- bien jouer et le sexe n’y est pour rien, ce qui, finalement, n’a rien de révolutionnaire ou de tendancieux, n’est-ce pas ? Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor

Isabelle Billard

  • (1) « Réflexions sur l’éducation », Emmanuel Kant. Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor Aurélie Dacalor

(2)    j’ai déjà prévenu le président du club que je lui enverrai une lettre en ce sens très rapidement, lettre qui reprendra l’argumentation développée ici. Ses allusions amicales lors du tournoi semblent indiquer qu’il vient lire les textes de ce site. Qu’il en soit remercié.

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